• Le plein-genre Raja Ben Slama



    On raconte qu'un des Califes umeyyades ordonna au gouverneur de Médine de "recenser" les chanteurs "efféminés" de la ville sainte. Or, en arabe, seul un point diacritique sépare le verbe "recencer"(ahsi) du verbe "châtrer" (akhsi). C'est ainsi que, par inadvertance, le gouverneur fit émasculer un bon nombre de chanteurs, parmi lesquels le surnommé Dalal. (Isfahani : VI, 266-297). Réputé "beau, courtois et éloquent", "Dalal-l'efféminé" était l'un des plus illustres musiciens médinois du VIIème siècle. "Efféminé" ne rend qu'approximativement l'arabe mukhannath, mot qu'il ne faut pas confondre avec Khuntha: : hermaphrodite, quoique les deux vocables dérivent de la même racine (kh-n-th) qui signifie globalement : se tordre, se tortiller, se pencher… Un [i]mukhannath[/i] est généralement un homosexuel "passif". Mais Dalal se voulait à la fois passif et actif. Aimant aussi bien "ce qui plaisait aux hommes et aux femmes", il était donc ce qu'on appelle aujourd'hui un "bisexuel".

    Loin d'être seulement "une anecdote plaisante, forgée pour mettre en évidence les inconvénients de la graphie arabe..." (cf : Encyclopédie de l'Islam2, Khasi, III, 8), cette histoire de castration témoigne de la violence dissuasive dont on pouvait faire usage pour traiter, ou tenter de traiter les troubles du "gender", et gérer les paradigmes souvent brouillés de la "normalité" et de "l'anormalité" . D'ailleurs, le lapsus du gouverneur n'est nullement dénué de sens : "recencer" et "châtrer" participent du même geste politiquo-identitaire qui tranche, assigne des rôles et des identités fixes, distingue par des marques, censure. Sans doute, Dalal troublait-il l'ordre moral en s'adonnant au chant, au vin et à l'adultère, pratiques répréhensibles aux yeux des censeurs de la ville sainte. Mais ce qu'il mettait surtout en péril, à plus d'un titre, et qui le mettait en péril, c'était l'ordre des évidences normatives et des hiérarchies statutaires qui soutiennent toute société formellement bipolaire, et fortement andro-hétérocentré. Il était un affranchi (mawla) qui rendait visite aux femmes de condition libre, leur valait à la fois d'entremetteur et d'amant, et affichait sa bi-sexualité. De là sans doute, l'arbitraire de son châtiment qui ne correspond, juridiquement parlant, à aucune disposition légale précise, mais qui répond sourdement à la logique de la politique identitaire des genres : que soient émasculés les hommes qui ne sont ni hommes ni femmes ; que soient exclus de l'ordre viril, tous ceux qui sont indignes de leur identité de genre et de leur statut d'hommes de condition non servile, tous ceux qui s'autorisent à franchir la barrière séparant les hommes et les femmes de condition libre, et que le Coran désigne par le terme hija:b : voile.
    [b]
    Des trous dans l'ordre sexuel[/b]

    Dieu, dit le Coran , a créé l'Homme (insa:n), mais Il aussi créé "le mâle et la femelle" séparément (49/13; 53/45; 75/39; 92/3). L'ordre divin des genres est strictement binaire, il n'admet pas de troisième genre. Commentant l'un de ces versets, un exégète rappelle que Dieu a "limité la progéniture (d'Adam et Eve) à deux genres seulement ; il en découle que l'hermaphrodite ne constitue pas un genre, car sa vérité le rattache aux deux genres : celle de l'humanité (a:damiyya, relatif à Adam), il est de ce fait ramené à l'un des deux genres (masculin ou féminin)… selon que les organes lui sont en défaut ou en excès". (Qurtubi : III/1315) Mais cette négation du troisième genre sera constamment démentie ou mise à l'épreuve de l'expérience. Dans le livre sacré lui-même, il est fait référence à deux catégories d'êtres pouvant, chacune à sa manière, mettre à mal la dualité décrétée par Dieu. L'eunuque, être que l'on essayait de "dé-sexualiser", et que l'on fabriquait essentiellement à l'usage des harems, forme la première. On pense que le Coran y fait allusion dans le verset (XXIV, 31) où il est dit que les femmes sont autorisées à montrer leurs atours aux domestiques mâles "que n'habite pas le désir charnel". L'éphèbe constitue la seconde : être paradisiaque, ni-femme ni-homme, mais fortement sexué, il est l'un des objets de jouissance dont disposeront les hommes croyants. En effet, bien qu'il condamne fermement l'homosexualité masculine (liwa:t), le Coran promet aux bons croyants d'être servis au Paradis par des éphèbes immortels (LVI, 17), "qui sembleront perles cachées" (LII, 24), "perles détachées (LXXVI, 19). Même si en dernier ressort ces deux catégories consolident la domination masculine en ce bas- monde comme dans l'au-delà, au coeur même du Livre sacré s'ouvre déjà une brèche dans l'édifice théologique de l'ordre sexuel binaire.

    Dans la société des premiers siècles de l'Hégire, dans les écrits qui s'en font largement l'écho, et où le rêve, le rire et le blasphème sont à l'honneur, s'édifieront, en même temps qu'un espace social sécularisé, une culture du pluriel et de l'équivoque, une tradition du troisième genre que les idéologies modernes de la pureté et de l'homogéneité originelles parviennent mal à occulter. Ainsi l'histoire de Dalal, qui aurait dit à la suite de sa castration : "maintenant, mon khunth est parfait". Dans ce substantif qualificatif de khunth, on retrouve l'ambiguité de la racine (kh-n-th) qui renvoie aussi bien à l'homosexualité masculine qu'à l'hermaphrodie. Dalal aurait ainsi exprimé son désir d'appartenance au khunth, à un genre qui n'en est pas un. La mutilation qui l'exclut de l'univers des hommes n'en fait pas pour autant une femme; elle n'en fait pas non plus un eunuque, un homme moins les attributs d'un homme, puisqu'il la transforme en un accomplissement Sans vouloir lui prêter une conscience contemporaine "queer", on peut dire qu'il se réapproprie constamment son corps, construit sa propre vie et son désir en dehors des implications de sa première identité de genre, comme en dehors du marquage politique par lequel on a voulu en faire un castrat.

    Et ce sont des catégories sociales entières qui, à l'instar de Dalal, creusent des trous dans l'ordre bipolaire. La réalité des intersexuels s'imposera aux docteurs de la Loi qui devront traiter du statut juridique des hermaphrodites qualifiés de "problématiques" ou "indéterminés" (khuntha: mushkil) Ils décréteront que ces personnes ne sont pas aptes au mariage, qu'elles héritent de la moitié de la part successorale de la femme et de la moitié de celle d'un homme. (Ibn Juzay, 339) La rémanence du sexuel chez les eunuques est une autre source de désordre générique et statutaire. Rien n'empêche ces serviteurs, préposés surtout à la garde des femmes, d'avoir une vie érotique très active (Jahidh1, I, 123 sqq). Ils sont mêmes plutôt appréciés car ce sont des partenaires dont "l'érection est rapide et l'éjaculation lente à venir", et avec lesquels les risques de conception sont nuls. En témoigne le prologue des Mille et une nuit, où le Sultan, horrifié, découvre le commerce sexuel de son épouse avec son eunuque noir. Les juristes discuteront de leur aptitude à diriger la prière, mais ils admettront qu'ils peuvent prendre des épouses.

    Ce n'est pas le terme "mukhannath", relativement neutre ou teinté d'humour, qui est utilisé par le Coran pour qualifier l'homosexualité masculine, mais celui de liwa:t, dénominatif provenant de Lu:t, traduction du prophète biblique Lot.

    Dans plusieurs versets (VII, 79-91; XXVII, 54-55; XXVI,165), le Coran dénonce ce vice et rappelle le châtiment que Dieu a infligé au peuple de Lot pour s'y être adonné. Se référant au verset VI,15 où il est dit : "A l'encontre de celles de vos femmes qui commettent la Turpitude, requérez témoignage de quatre d'entre vous! Si ceux-ci témoignent (de la chose), retenez (ces femmes)dans (vos) demeures jusqu'à ce que la mort les rappelle (au Seigneur) ou qu'Allah leur donne un moyen" (Blachère II, 928), certains exégètes ont donné le sens de saphisme au terme "turpitude" (fa:hicha) et non le sens d'adultère ou de fornication.

    On en a déduit que les lesbiennes étaient justiciables de l'assignation à résidence jusqu'à la mort.

    Il semble pourtant que ces orientations sexuelles étaient relativement ouvertes et largement tolérées. De même que l'interdiction du vin n'a pas empêché qu'on en boive et qu'on le célèbre dans la poésie, l'interdiction de l'homosexualité n'a pas empêché ces amours illicites et leur glorification. [b]On n'attendait pas le Paradis pour savourer l'amour des éphèbes[/b].

    Des rois tel l'Aghlabide Ibrahim II et des Califes abbassides tels al-Amin et al-Mu'tasim s'entouraient de mignons. Des "garçonnes" (ghulamiyyat), jeunes femmes esclaves travesties en éphèbes, revêtues d'habits masculins, répandaient des phantasmes d’ambiguïté dans les cours califales et les salons.

    On peut parler d'un véritable tournant esthétique et érotique dans la culture arabe qui, dès le VIIIe siècle, porte à la célébration de l’homosexualité et des amours homo-sexuelles. Un genre poétique est désormais consacré à l'amour des éphèbes.

    Des poètes comme Abu Nuas faisaient l'éloge de l'impudeur, chantaient le vin, l'adultère et l'homosexualité, tout en jouissant d'une large célébrité auprès de la noblesse comme du petit peuple.

    Dans l'une de ses épîtres, Al-Jahiz (m.869) met en scène un débat entre un amateur des femmes et un amateur d'éphèbes. Ce dernier présente l'amour des femmes comme une marque de bédouinité, c'est-à-dire de rusticité et d'austérité, tandis que les plaisirs raffinés que procurent les éphèbes supposent un haut degré de civilisation. (2, II, 116) Aux fameuses légendes d'amour courtois hétérosexuel s'ajoutent des histoires d'amour homosexuelles non moins prisées et pourvoyeuses de figures idéalisées auxquelles on pouvait s'identifier. Qu’on se rapporte simplement au bibliographe Ibn Nadim (m.1047), pour voir le nombre de titres de romans d'amour où apparaissent alternativement des noms féminins et masculins; ou bien au Collier de la Colombe de l'Andalou Ibn Hazm (m.1064) pour découvrir les biographies des amoureux qui, tel le poète et grammairien Ahmed ibn Kulayb, sont morts de chagrin pour un homme sans que leurs amours ne suscitent mépris et condamnation. L'homosexualité passive ne semble pas avoir inspiré le même dégoût que chez les Romains, et c'est en employant les mots "amant" ('a:shiq) et "aimé" (ma'shu:q), termes vagues et sans connotations sexuelles précises qu'on désignait, du moins dans les biographies des amants, les deux partenaires homosexuels. Toutes sortes de pratiques érotiques paraphiliques entraînant un désordre sexuel et statutaire (telles celles où le maître est sodomisé par ses esclaves mâles (Tifachi, 202)), trouvaient leur place dans des traités d'érotologie aussi étalés dans le temps que "Kita:b al-sahha:qat" (Livre des lesbiennes) de Saymari (IXe siècle), Nuzhat al-alba:b (Agrément des esprits) de Tifachi (XIIIe siècle), Al-Raoudh al-'a:tir (le Jardin Parfumé) de Nefzaoui (XVIe siècle)…

    Le Coran reste muet sur le châtiment prévu pour l'homosexualité masculine.

    Les premiers califes ont, semble-t-il, appliqué la peine capitale la plus implacable : les homosexuels étaient ensevelis sous les décombres, lapidés ou précipités du haut d'un minaret.

    Les Hanbalites, qui sont les juristes les plus sévères, ont opté pour la mise à mort par lapidation ; la majorité des autres docteurs ont opté pour la flagellation avec ou sans bannissement, suivant que le coupable de condition libre est marié (muhsan), ou ne l'est pas. Mais comme l'homosexualité n'aboutit ni à la conception ni "au mélange des généalogies", les sentences ont évolué vers une peine discrétionnaire peu sévère décidée par le juge.

    Pour Ibn Hazm, qui était aussi juriste, le nombre de coups dont est passible un homosexuel peut être réduit à 10 (Muhalla XI, 390) De plus, comme pour l'adultère, la preuve du délit est difficile à administrer, puisque la loi exige la présence de quatre témoins oculaires et irrécusables, ce qui rend la sanction quasiment inapplicable. On s'explique mieux le caractère parfois arbitraire et violent du châtiment, comme dans l'histoire de Dalal : les autorités politiques décident de rétablir l'ordre, et de mener des campagnes d'assainissement moral qui n'entraînent pas, nécessairement, l'application de règles juridiques précises.

    Mais ni les châtiments arbitraires, ni les sanctions des différentes écoles juridiques, ni le moralisme des sermonnaires et des Hanbalites n'ont eu raison de l'immoralité publique et de la culture du troisième genre et du hors genre. Les Musulmans des premiers siècles de l'Hégire ont ainsi pu inventer de larges zones de tolérance entre Loi et désir, profitant, comme disent les poètes, des moments où les censeurs et les gardiens du sacré sommeillaient. Dieu malgré tout, est clément et miséricordieux, le péché est l'amorce du repentir, le repentir l'envers du péché. On a pu émasculer Dalal, mais non éteindre ses sarcasmes et ses chants.

    [b]L'effroi moderne[/b]

    La morale sexuelle des Arabes modernes s'est progressivement assombrie avec l'adoption des mécanismes disciplinaires et des modes d'assujettissement élaborés par l’État occidental moderne, ainsi qu'avec les vagues déferlantes d'"éveil islamique". La naissance du mouvement wahhabite rigoriste en Arabie Saoudite au XVIIIe siècle et la fondation, dans les années vingt du siècle précédent, du mouvement égyptien des "Frères musulmans" sont les épisodes les plus marquants de cet "éveil" qui se traduit notamment par le refus de la sécularisation de l'espace social et par la fiction d'une pureté et d'une homogénéité originelles. Aussi les prohibitions imposées par une certaine modernité occidentale, à l'encontre de l'homosexualité notamment, ont-ils confortés les interdits du droit musulman. Le joyeux brouillage des genres des Anciens a fait place à l'horreur et à la fureur sacrales.

    La morale moderne a notamment suscité le raffermissement de la bi-polarité sexuelle, l'occultation des ambiguïtés sexuelles dues à des déficiences biologiques (intersexualité) et le refus de la transsexualité. Alors que les anciens juges absolvaient l'hermaphrodite et tentaient de lui accorder un statut légal, les modernes confondent tout. En témoigne l'histoire de Samia, une intersexuée tunisienne à qui on a attribué le nom masculin de "Sami" et l'identité d'un homme, mais qui a eu recours à la chirurgie pour mettre un terme à son ambiguïté biologique. Les magistrats, par un arrêt de la cour d'appel de Tunis, daté du 22 Décembre 1993, ont rejeté la requête introduite par Samia pour changer d'état civil.

    Ayant argué que le Droit positif ne se prononce pas sur la question, et rejeté la jurisprudence française qui accorde depuis 1992 la liberté de changer son sexe, le juge a décidé de s'en remettre au droit musulman, qui n'a pourtant jamais statué sur un cas de transsexualisme. Au lieu d'assimiler Sami(a) à un hermaphrodite, on l'a assimilée à un homosexuel, à un déviant qui "a modifié d'une façon arbitraire et délibérée son sexe", transgressé l'ordre sacré, soit l'ordre de la nature institué par Dieu. On a fait valoir le verset : "Dieu sait ce que porte chaque femelle et la durée de la gestation. Toute chose est mesurée par lui" (XIII, 8). On a repris également un hadith du prophète : "Dieu maudit les hommes qui veulent ressembler aux femmes et les femmes qui veulent ressembler aux hommes." (Rdissi, Abid)

    L'homosexualité est aujourd'hui frappée d'illégalité dans bien des pays arabes, passible de peine capitale en Arabie Saoudite, au Soudan, au Yemen et en Mauritanie, de 14 ans de prison aux Émirats arabes unis, 7 ans en Libye et 3 ans au Maroc.
    Dans les pays où elle n'est pas explicitement interdite par la loi, on n'épargne aux "fils de Loth" ni les arrestations ni les brimades. Rappelons, à titre d'illustration, l'affaire des 52 hommes égyptiens accusés d'homosexualité et arrêtés dans une boite de nuit le 11 mai 2001. Inculpés pour « violation des enseignements de la religion et propagation d'idées dépravées et d'immoralité sexuelle », ils ont comparu devant la Cour de sûreté de l'Etat et 23 d'entre eux ont été condamnées à des peines de prison avec travaux forcés allant de trois à cinq ans, sans possibilité de faire appel. Déchaînée, la presse cairote a affirmé que ces "pervers" étaient des "adorateurs de Satan" qui "entretien-nent des rapports avec des mouvements sionistes, organisent des pèlerinages gays en Israël et se livrent à des orgies homosexuelles." (Kéfi, 66) Tout en se réclamant de la Shari'a, ils ont ignoré les opinions plus clémentes des anciens juristes, oublié la condition traditionnellement exigée pour l'administration de la preuve du délit, à savoir la présence de quatre témoins oculaires au moment de l'accomplissement de l'acte sexuel. Comme dans l'affaire de Samia, on constate un même effacement des subtilités juridiques du passé, effacement non compensé par une référence nouvelle aux droits de l'homme. Face au délire de rejet et de diabolisation, les autorités égyptiennes, ont préféré donner des gages aux activistes islamistes. Quant aux associations égyptiennes des Droits de l'homme, elles ont gardé le silence ou pris leurs distances à l'égard des inculpés .

    Comme dans la littérature néo-fondamentaliste, on parle désormais de "pervertis" ou "déviants" sexuels (shawa:dh). Alors que les Anciens situaient l'homosexualité dans la nature et l'anatomie, évoquaient l'homosexualité animale (Jahidh, III/204) considéraient le saphisme comme "une envie naturelle", et attribuaient l'homosexualité à des anomalies biologiques telles que la carence en chaleur chez les hommes, l'atrophie de l'utérus (Tifachi, 170) ou la proéminence du clitoris chez les femmes (Avicenne1, II, 1691), les Modernes, eux, considèrent l'homosexualité comme un vice contre-nature dont même les animaux sont exempts. (Jaziri V, 211) Et ce n'est pas la pathologie psychiatrique ou psychanalytique qui est invoquée dans cette "dé-naturalisation" de l'homosexualité, mais une démonologie, jointe à un imaginaire identitaire de la Umma dont la purification appelle l'éradication de l'Autre et de ceux qui entretiennent des rapports avec lui : l'homosexuel tiendrait commerce avec le Diable ; il est le représentant des agresseurs occidentaux ou israéliens. Les campagnes menées contre les homosexuels seraient une sorte d'exorcisme politique pratiqué, dans la terreur sacrale, sur le corps imaginaire de la Umma. Et c'est parce que l'angoisse homosexuelle est trop pesante qu'on la projette sur l'autre, c'est parce que cet autre diabolique est extérieur–intérieur, haï-aimé qu'on veut l'extirper en hurlant au sacrifice.

    Il est évident que dans un contexte où sont frappés d'interdit non seulement l'homosexualité mais tous les rapports sexuels extra-conjugaux, où la liberté de disposer de son corps n'est pas encore à l'ordre du jour des associations des droits de l'homme et des mouvements de femmes, on ne peut espérer la formation de mouvements arabes gays-lesbiennes ou plus généralement LGTB (Lesbiennes, gays, transsexuels, bisexuels). Cependant, en terre d'exil, les "queers" arabes commencent à s'organiser dans des associations telles que "Sawasiya (égaux): Pour la défense des droits des homosexuels dans le monde arabe" ou des réseaux tels que "Le collectif de lesbiennes Nord-Africaines et arabes (ou de langues et de culture arabes) appelé "Les N'DéeSses.

    Ces mouvements post-féministes ont trouvé sur le web un espace de communication et d'expression culturelle multilingue, où des liens se tissent entre queers vivants "en terre d'Islam" et "en terre d'exil". C'est dans ces lieux virtuels que les exclus de l'ordre "bipolaire-hétérosexuel" tentent de briser l'enfermement et d'agir politiquement, tout en se réappropriant le langage et le souvenir de la tradition arabe du hors-genre : on peut lire dans 2002 sehakia.org : "Autant que possible, Sawasiyah va mettre un point d'honneur à s'exprimer en arabe dans ses communications et ses publications, non seulement pour fournir une preuve symbolique que l'homosexualité fait partie de notre culture, et n'est pas qu'un "phénomène importé de l'Occident", mais aussi parce qu'il s'agit du moyen le plus efficace d'atteindre ces millions d'homosexuels de langue arabe ainsi que les gens qui les soutiennent, et de les encourager dans leur combat incessant pour la liberté et l'égalité."

    [b]La séduction-sédution (fitna)[/b]

    Il existe en arabe un verbe pour signifier "enterrer quelqu'un vivant" ([i]wa'ada[/i]). Les femmes dans le monde arabo-musulman n'ont pas été brûlées, comme les sorcières en Europe, et le Coran a aboli une pratique préislamique qui consistait à enterrer les filles vivantes à la naissance. Mais il y a tout lieu de penser que, réel ou symbolique, l'enterrement guette toujours les femmes, soupçonnées non pas exactement de sorcellerie, mais de "séduction-sédition" (fitna), entendons : ce qui détourne de Dieu, et qui rend l'homme imperméable à ses signes. C'est ce qui, en même temps apparente la femme au démon qui, d'ailleurs, s'appelle "fatta:n" et qui "égare les hommes et les berne de désirs".



    Dans la constellation de récits qui forment l'histoire de Dalal, nous relevons deux anecdotes mêlant le sort du libertin à celui des femmes, et où chacun a son lot de répression. On raconte que Dalal fréquentait deux femmes de la haute société omeyyade dont l'une était la nièce du gouverneur de Médine, le fameux Marwan ibn al-Hakam (m.685). Ces deux femmes réputées "des plus dévergondées, montaient à cheval et se livraient à une course telle qu'elles découvraient les chaînettes qui ornaient leurs chevilles". Le Calife Muawiya demanda au gouverneur de châtier sa nièce. "Celui-ci invita la jeune femme chez lui, ordonna qu'on creuse un puits sur le chemin qu'elle avait l'habitude d'emprunter et le fit recouvrir de paille. La jeune fille y tomba et le puit lui servit de tombe. On fit chercher Dalal, mais il s'enfuit à la Mecque".

    La deuxième anecdote a trait au comportement de Dalal lors de la prière. "L'efféminé Dalal, priait à mes côtés à la mosquée. Il péta si fort que tous les fidèles présents alentour l'entendirent. Nous relevâmes aussitôt la tête tandis qu'il se prosternait toujours, prononçant ces mots à voix haute : Gloire à Toi, par ma tête et par mon postérieur! Tout le monde dans la mosquée fut séduit et les rires qui fusèrent interrompirent les prières". Dans les deux récits, s'articulent, à travers la question de la séduction, la gestion du sacré et la politique identitaire des genres. Le corps émerge pleinement dans son étrangeté, et déborde sur la scène sociale ou socio-religieuse : ainsi le pet de Dalal au milieu de l'assistance en prière, sa présence en tant que mukhannath dans les rangs des fidèles, les chaînettes ornant les chevilles des jeunes cavalières qui vivent leur féminité comme bon leur semble, en outrepassant la division de l'espace social entre espace privé-fermé et espace public-ouvert. Dans les deux cas, il y a "séduction-sédition", terme curieusement attribué dans le récit du pet à Dalal. Entre l'homme et Dieu, s'interposent des écrans : une femme ou un hors-genre. Mais tandis que la séduction-sédition de Dalal déchaîne les rires, celle des femmes déchaîne une violence punitive. La femme, "monstre pullulant de signes" (Benslama, 61), est donc l'écran le plus opaque sur lequel on doit dresser un "écran" qui "interdit" et "sépare", significations auxquelles renvoie le terme hija:b : voile. Ce voile-écran serait une étoffe, une porte fermée ou une tombe et c'est ce que dit à peu près un hadith du Prophète : "mieux vaut pour la femme un mari ou une tombe".(Ibn al-Jawzi, 133). On est plus prompt à sévir contre la frivolité des femmes que contre l'indécence d'un homosexuel, plus prompt à réprimer ceux qui troublent l'ordre des genres que ceux qui mêlent le sacré au profane. Plus précisément, la ligne de démarcation qui partage les femmes et les hommes nous semble plus nettement déterminée que celle qui partage les genres et les hors-genre, le sacré et le profane, la prière et le rire qui rompt la prière. Dalal, on l'a vu, a franchi toutes ces lignes, mais les dangers qui le guettent s'accroissent du fait de sa fréquentation de ces femmes, qu'il peut être accusé d'avoir débauchées. Dans la répression ayant trait à la politique des genres, certains sont donc plus opprimés que d'autres, certains sont plus séducteurs-séditieux que d'autres. Dalal a survécu à son châtiment et résisté à l'oppression, alors que le sort de la jeune cavalière illustre bien celui de "l'enterrée vivante" (maw'uda) : son corps, son souvenir et sa parole seront ensevelis.

    Mais plus profondément, Dalal a subi le châtiment d'un gouverneur, alors que le meurtrier de la jeune femme cumulait les fonctions de gouverneur et d'oncle faisant figure de père. Celui-ci agissait, simultanément, en protecteur de l'ordre moral de la Cité et de l'honneur de la tribu. Une indifférenciation politique serait-elle à l'oeuvre dans l'oppression et la discrimination des femmes, l'oppression des femmes serait-elle à l'origine de la légitimation de la violence? "L'ordre des ordres" s'organisait-t-il autour de la réclusion des femmes? Comment ne pas voir les chevilles et les chainettes de la cavalière miroiter dans ce verset : "Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d'être chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu'elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges!...que [les Croyantes] ne frappent point [le sol] de leurs pieds pour montrer les atours qu'elles cachent!..." (XXIV, 31, Blachère : II,1009-10)?

    Je ferai un saut dans le temps pour rappeler un événement qui me parait comparable au récit de la jeune cavalière. Le 6 Novembre 1990, un groupe de 47 femmes saoudiennes ont pris le volant de leurs voitures, en signe de manifestation contre l'interdiction qui leur est faite de conduire. Elles ont traversé l'avenue du roi Abdel Aziz, à Riad, et refusé l'intervention des gardiens religieux des mœurs. Les forces de l'ordre n'ont pas tardé à les arrêter pendant onze heures; et elles les ont obligées à signer un engagement selon lequel elles ne récidiveraient pas, sous peine d'en supporter les conséquences. On a également obligé leurs pères et leurs époux à signer un engagement semblable. Suite à cette manifestation, le Ministère de l'Intérieur a officialisé l'interdiction, conformément à une fatwa prononcée par le Cheikh Ibn Baz, autorité religieuse suprême du pays, et par d'autres grands ulémas. L'argument essentiel est ici inspiré de la technique juridique consistant à interdire le licite qui peut mener à l'illicite ("sadd adh-dhara:'i'), l'adultère étant, selon chez ces cheikhs, l'issue fatale de la libre circulation des femmes en ville. Puis les manifestantes, parmi lesquelles on comptait des universitaires, des journalistes et des fonctionnaires, ont été licenciées. Les fatwas et les déclarations dénonçant ces "scélérates qui montrent leurs atours" se sont multipliées. Les langues qui s'étaient tues face au débarquement des troupes américaines en Arabie Saoudite se sont déliées pour maudire 47 femmes, considérées comme une menace pour l'Islam et pour l'ordre social, dans un délire de rejet comparable à celui suscité par les 52 égyptiens accusés d'homosexualité.


    D'un siècle à l'autre, le véhicule a changé, mais il s'est agi cette fois d'un geste collectif, politique et délibéré, embryon d'un mouvement féministe qu'on a voulu faire avorter. Les arguments jetant l'interdit sur les corps féminins et sur la circulation, sont restés les mêmes. Le même verset XXIV, 31 qui a prévu le châtiment de la cavalière servira, quatorze siècle plus tard, d'argument d'autorité "sacrée" pour la condamnation des manifestantes saoudiennes, toujours réduites à des femelles qui se pavanent et montrent leurs atours. De quelles montages originaires procède donc cet ordre des ordres qui commande encore le présent des femmes et des hommes arabes? Par quels moyens s'est édifié l'infaillibilité et la transhistoricité de ce qu'on appelle actuellement "la Shari'a"?
     

    Dans les tableaux que nous brossons des rapports sexe/genre et des rapports entre les genres, dans la déconstruction des agencement "phallogocentriques" ou plus précisément "théophallocentriques" qui structurent encore le sujet dans le contexte arabo-islamique, nous éviterons, tout d'abord, de mettre de l'ordre en écartant la complexité des faits, la dynamique sociale et les disparités entre les pays arabes en matière de rapports entre les hommes et les femmes. Puisque notre savoir est toujours "situé", nous préciserons, négativement, les "situations" dont nous nous écartons, situations identifiables dans les pratiques dicursives contemporaines. Nous nous écarterons d'abord de la défense de "l'image du monde arabe à l'étranger", qui se confond avec la défense de l'"identité" menacée par la mondialisation et les nouvelles ambitions impérialistes. "Améliorer l'image des Arabes à l'étranger" est en effet la tâche assignée à l'intellectuel arabe par les gouvernements et les organisations régionales qui leur sont affiliées. Nous refuserons tout autant la stéréotypie cultaraliste qui développe la fiction d'une nation arabo-islamique réfractaire à la démocracie, non désireuse de liberté, celle orientaliste ou orientalisante, qui consiste à emprisonner la réalité des femmes et des hommes arabes musulmans dans une série de moules préconçus et de simplifications hasardeuses : images de femmes voilées aveugles à la lumière du jour, cheiks richissimes et polygames, mains coupées, corps lapidés ou à l'inverse : images, propre à satisfaire tout le monde, d'un Orient enchanteur : danses du ventre, encens, parfums, désert…Nous éviterons enfin de céder à l'idéalisation utopique du passé des femmes arabes, à l'illusion d'un Islam authentique qu'il suffit de retrouver, ou d'un paradis féminin perdu dont il faut se souvenir, illusion que beaucoup d'écrits réformistes ou féministes ne cessent d'entériner. A trop vouloir ménager la susceptibilité des thuriféraires du sacré, on finit par leur emboîter le pas, en adhérant à la même démarche idéalisante et sacralisante. C'est dans la perte et le deuil salutaires, et non dans la défense frileuse de "l'identité" et du passé qu'un renouveau de la pensée et de la vie, voire même de l'expérience religieuse, peut être amorcé.

    A l'instar de la religion juive ou chrétienne, mais en suivant sa propre voie, l'Islam a apporté un soutien théologique à la domination masculine et patriarcale.

    La démarche monothéiste qui consiste à "récupérer les qualités divines du féminin maternel au profit d'un dieu créateur paternel" (Transeuropéennes, 18) est illustrée dans le Coran par les versets qui opposent Allah aux anciennes divnités féminines, importantes dans le panthéon préislamique : "…Quiconque associe à Allah [des parèdres] est dans un égarement infini. [Ces Associateurs] ne prient que des femelles. Ils ne prient qu'un Démon rebelle." (IV, 116-117, Blachère II, 957). Ce ravalement du féminin se traduit certes par "un passage de l'évidence maternelle à l'inévidence du paternel" et une valorisation de la fonction paternelle et donc symbolique. Mais on constate dans le Coran une tendance à marquer l'évidence biologique du père, ce qui entraîne un contrôle accru de la vie sexuelle des femmes de condition libre, et un renforcement des liens de la parenté biologique. En effet, le Coran impose une "retraite" déterminée ('Idda) à la femme répudiée ou veuve (II,234; LXV,1) pour que les paternités ne se confondent pas. Il accorde au mari qui souçonne sa femme d'adultère le droit de recourir à la procédure du "désaveu de paternité" (li'a:n) (XXIV, 6). Il interdit l'adoption des enfants (XXXIII, 4-5). Il renforce le régime du mariage reconnaissant à l'homme son statut de "ba'l", c'est à-dire de maître et d'époux à la fois, en interdisant notamment d'autres types de mariage que les Arabes, semble-t-il, ont connu dans le passé, tel celui où les enfants appartiennent à la tribu de la femme, ou celui qui annule clairement la paternité biologique en ce sens que "l'homme ordonne à sa femme dès qu'elle a fini de sa période de menstrues, d'aller chercher un autre homme et de s'unir à lui pendant une période donnée, en se promettant de ne pas la toucher jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte de l'autre homme…l'objectif étant d'améliorer la progéniture". (Lisan : b-dh-', Mernissi 63-69)

    Ce ravalement de la maternité et du féminin est rendu explicite par les versets qui énoncent la suprématie ontologique, politique et juridique de l'homme ainsi que "l'ascendant" ou la prééminence ([i]fadhl[/i]) que Dieu a donné aux hommes sur les femmes (II, 228). La suprématie ontologique découle de la formulation binaire de l'acte de création divine. Si Dieu a créé "le mâle et la femelle", on peut penser qu'Il a créé le mâle avant la femelle, ou qu'Il a créé la femelle à partir du mâle, puisque Eve a été tirée du corps d'Adam selon le mythe biblique et coranique. La suprématie politique et juridique découle du principe "d'autorité de l'homme sur les femmes" (qiwa:ma), lourd de conséquence en matière de droit privé et de droit public. Il est clairement annoncé dans le verset suivant, tiré de la sourate des Femmes, que nous citons en entier, d'après la traduction la plus littérale, celle de Blachère : "Les hommes ont autorité sur les femmes du fait qu'Allah a préféré certains d'entre vous à certains d'autres, et du fait que [les hommes] font dépense sur leurs biens [en faveur de leurs femmes]. Les [femmes] vertueuses font oraison (qanit:at) et protègent ce qui doit l'être (?), du fait de ce qu'Allah consigne (?). Celles dont vous craignez l'indocilité, admonestez-les! Reléguez-les dans les lieux où elles couchent! Frappez-les! Si elles vous obéissent, ne cherchez plus contre elles de voie [de contrainte]! Allah est auguste et grand." (VI, 34, Blachère II, 935).



    C'est ce verset qui institue l'obligation d'obéissance de l'épouse à son mari et le droit du mari à instruire et punir sa femme. Mais c'est aussi en s'y référant que les exégètes anciens ont stipulé que les femmes, tout comme les hermaphrodites "problématiques", les esclaves et d'autres catégories d'exclus, n'ont pas le droit d'exercer des fonctions d'autorité dans le public et le privé (wila:ya:t). Cette privation est consolidée par l'institution du Voile, qui, à l'époque du prophète, ne signifiait pas seulement l'étoffe sur le corps féminin, mais bien la division de l'espace social et la réclusion des femmes de condition libre. La spacialité de la notion de Voile est attestée dans le verset XXXIII, 53 qui impose cette institution aux femmes du prophète, ainsi que dans les versets XXXIII, 32-33 qui ordonnent à toutes les femmes de "demeurer dans leurs demeures" et de ne plus montrer leurs atours.

    Ce principe d'autorité qui impose l'obéissance des femmes aux hommes n'entraîne pas simplement l'exclusion de celles-ci de la sphère politique.

    Il a son homologue dans la vie publique : l'obligation d'obéissance aux gouverneurs (u:lu:-l-'amr), instituée par le Coran (VI, 59), renforcée par le droit musulman qui ne prévoit pas d'institutions ou de mécanismes de pouvoir limitant le pouvoir. Cette obligation d'obéissance dans les deux sphères en miroir comporte une structure de non-différenciation des fonctions, hostile à l'instauration de tiercéités et à l'apparition d'une véritable scène politique. Les "circonstances de la révélation" par lesquelles les exégètes expliquent la révélation du verset VI, 34 illustre bien cette structure "dé-politisante". On évoque à propos de ce verset, une histoire de violence privée dans laquelle le prophète est pris pour arbitre, mais dans laquelle la parole du prophète s'oppose à la révélation divine : "On raconte que ce passage fut révélé à propos de l'un des Ançar (les médinois convertis à l'Islam) qui avait eu une dispute avec sa femme et qui la gifla ; celle-ci alla se plaindre auprès du Prophète qui décida spontanément en sa faveur l'application de la peine compensatoire (qisa:s). C'est alors qu'Allah révéla : "les hommes ont autorité sur les femmes…. Le prophète rappela l'homme en question et lui récita le verset, puis il lui dit : J'ai voulu une chose mais Allah en a décidé autrement." (Tabari III, 350) Le verset est donc révélé pour déclarer l'époux maître de sa femme et suspendre le châtiment décidé par le prophète à son encontre. Mais la possibilté rapidement écartée par le verset n'est pas seulement le châtiment de l'agresseur, elle est l'acte même de recourir à une instance tièrce, qui aurait pu amener une différenciation des fonctions du mari et du maître, du juge et de la partie – en l'occurrence une différenciation des fonctions de gouverneur et d'oncle dans l'histoire de la cavalière.

    Au plan des statuts juridiques, c'est un fait que le droit musulman ancien (fiqh) repose sur une pyramide sociale au sommet de laquelle il y a l'homme, suivi de la femme, de l'esclave homme, de l'esclave femme, puis de l'enfant et du dément. (Charfi, 155) La femme vaut à peu près la moitié d'un homme : elle hérite la moitié de ce qu'hérite un homme et le témoignage de deux femmes est équivalent à celui d'un seul homme.

    L'homme bénéficie du privilège de la polygamie et de la répudiation et les femmes sont parfois privées de leur consentement au mariage. Il y a même lieu de penser que l'esclave a une nature hybride puisqu'il "participe de la chose et de la personne tout à la fois" (EI2, 'Abd), et que la femme de condition libre participe de l'esclave et de la personne libre à la fois. Non seulement un même principe de réduction à la moitié des droits s'applique généralement aux femmes libres et aux esclaves mâles, mais par l'acte de mariage, par le douaire que la femme reçoit ou que son tuteur matrimonial reçoit du mari, elle est soumise à une forme de droit de propriété (ma:likiyyat ghayr al-mal) en faveur du mari. C'est pourquoi le grand théologien et juriste Al–Ghazali (m.1111) considère que "le mariage est une forme d'esclavage dans lequel la femme est esclave et doit obéissance totale et don de soi, en quoi il n'y a pas désobéissance à Dieu …" Il reste qu'en tant que personne libre, l'épouse n'est pas soumise aux opérations juridiques qui découlent de l'esclavage total : vente, donation, louage…

    [b]Monisme et binarisme[/b]

    Le théophallocentrisme ne se contente pas de gérer la réalité des corps masculins, féminins ou autres, et d'établir sa hiérarchie statutaire, il déploie ses insignes sur toutes les activités imaginaires et théoriques, en créant les paradigmes respectifs du masculin et du féminin, et les mythes de différence sexuelle. La formulation binaire de la création divine a permis aux anciens de comparer Eve au rameau et Adam au tronc (asl, mot désignant aussi l'origine), sachant que "le tronc est prééminent au rameau". (Ibn Abi-Dhiaf, 68). Ce rameau, la femme, sera frappé d'une secondaréité et d'une "inconsistance" ontologique renforcées par deux traits : le mensonge et la ruse que le Coran attribue à la femme (dans la sourate de Joseph notamment), l'ornement et l'artifice, qui font de cet "être aux atours", une créature quelque peu phantasmagorique : il semble que le prophète ait maudit "celles qui portent une "perruque"", "celles qui se font du tatouage", "celles qui épilent leurs sourcils", "celles qui liment leurs dents pour les parfaire", "dénaturant ainsi la créature de Dieu". (Sahih Muslim, chap. du vêtement). Articulés à la dualité fondamentale et fondatrice de la pensée métaphysique : sensible/intelligible, les traits du mensonge et de l'ornement doubleront le théophallocentrisme d'un "phallogocentrisme" qui, d'un seul geste, et comme le montre Derrida à l'échelle de la pensée occidentale, réprime l'écriture et le féminin, ou ce qui est pris comme tel. Intelligible/ sensible peut se traduire par lettre/(lafdh)/sens (ma'na), car les rhétoriciens et critiques arabes pensaient que "la lettre est le corps et l'esprit le sens"(Ibn Rashiq 1/124), la lettre est l'enveloppe ou l'ornement qui "étale" le sens dans "une belle expression". C'est là que nous trouvons une référence au féminin, comme étant de l'ordre du sensible et de la lettre : on compare les mots à "des esclaves bien parées", on parle des "signes qui montrent leurs atours" (Al Jurjani2) et on met en garde les poètes contre l'irrationnel et l'impossible (muha:l) qui les guette s'ils se laissent égarer par le culte de la lettre, ou la passion des figures de style auquels on attribuait une fonction ornementale. La dualité principe actif-masculin/ réceptacle passif-passif, inspirée de la philosophie grecque est manifeste dans un propos d'Avicenne (Ibn Si:na) sur la substance première qu'il compare à "la femme laide", être informe qui fuit le néant et désire inlassablement la forme.(2, III, 6-7) Est donc féminin, tout ce qui empêche la manifestation de la vérité et menace sa production, tout ce qui est inessentiel mais qui peut menacer l'essentiel : l'ornement qui cache la réalité, la lettre qui, en se déployant en écriture, cache le sens supposé transcendant, le réceptacle qui risque de demeurer informe…. Bref, on retrouve là le même schème du voile menaçant qu'il faut voiler ou limiter. De l'homme à Dieu, comme de l'homme à la vérité le chemin doit obligatoirement passer par l'élimination de la femme ou du féminin. .



    Le mythe de différence sexuelle que construit ce théophallocentrisme est un mythe de différence générique, mais de non-différence biologique. Car Dieu a aussi créé l'Homme : "Hommes! Soyez pieux envers votre Seigneur qui vous a créés (à partir) d'une personne unique dont, pour elle, Il a créé une épouse et dont il a fait proférer en grand nombre des hommes et des femmes!...(IV/1, Blachère II/923-24) Cet énoncé de "la personne unique" est le signe d'un monisme biologique qui n'est pas en contradiction avec le binarisme générique. Il existe en effet dans l'espace culturel arabe un modèle unisexe semblable à celui qu'à mis en évidence Thomas Laqueur en Occident et qui a dominé toutes les conceptions du sexe et de la relation hommes/femmes jusqu'au XVIIIe siècle. La langue et certaines représentations du corps ont gardé la trace de ce modèle. On appelle "farj", c'est-à-dire "creux, interstice entre deux choses", l'organe sexuel de l'homme et de la femme; on appelle "vierge" l'homme qui n'est pas encore marié tout comme la femme. "Khitan" signifie la circoncision, mais également, "l'endroit de l'ablation par rapport au mâle et à la femelle". Une symétrie est attestée entre le clitoris et la verge, car le mâle non circoncis est appelé "clitoridien" ("abdhar", qualificatif dérivé de "badhr" : clitoris). De même le prépuce, repli tegumentaire qu'on excise du pénis, s'applique-t-il aussi à la femme. La femme partage avec l'homme la jouissance et son "liquide-semence" était considéré comme "une condition de la procréation", car " l'enfant ne naît pas du sperme de l'homme seul mais de l'union des deux époux, soit de leur liquide réciproque, soit du liquide du mâle et du sang des menstrues…Quoiqu'il en soit, le liquide de la femme est une condition nécessaire de la procréation." (Al Ghazali 2/58) Les textes médicaux inspirés par Galien, qui était connu des Arabes, ont renforcé ce monisme biologique. On parlait du "sexe renversé" qui, faute de chaleur vitale, n'a pas été propulsé vers l'extérieur, et Al-Razi (Razès, m.1209) pensait que "les organes génitaux chez la femme sont disposés à l'intérieur du ventre et sont naturellement conditionnés par ce positionnement". (al Tifachi 230).

    La suprématie de l'homme allant de soi, on se contentait souvent de la tautologie qui consistait à justifier le principe d'autorité qui gère la vie privée par l'inaptitude de la femmes à exercer les fonctions publiques, mais on expliquait aussi cette inaptitude par le même principe. Les exégètes faisaient également appel aux différences quantitatives qui font de la femme un homme déficient : les femmes étant "déficientes du point de vue de la raison et de la religion", selon le hadith du prophète (Bukhari, chap. de la menstruation). Les hommes sont forts et plus fermes parce qu'ils sont dominés par la chaleur vitale et la raideur, tandis que les femmes sont faibles et molles parce qu'elle sont dominées par la froideur et l'humidité, selon ceux qui font appel au savoir "scientifique" de l'époque. (Qurtubi, 2/1430)

    A ce monisme ancien, semble succéder un binarisme qui vient peut-être remédier à la confusion moderne des rôles et des genres. C'est ce qui explique, pour partie, la disparition du concept de sexe, puisque "farj" ne désigne plus que l'organe de la femme, qui assumera seule désormais le manque-à-être humain. Dans les écrits (néo)-fondamentalistes, c'est la composante binaire de la création divine qui semble l'emporter sur la version de "la personne unique". Ainsi s'ouvre la sourate de la Nuit : "Par la nuit quand elle s'étend! par le jour quand il brille! Par ce qui a créé le Mâle et la Femelle!... 92/1-2. (Blachère I/28-29) A la dualité temporelle du jour et de la nuit se juxtapose la dualité sexuelle qui est ainsi rendue non moins évidente. Sans se réfèrer explicitement à ce verset, Sha'raoui, qui est un mufti contemporain des plus populaires en Egypte et dans le monde arabe, opère le pas décisif en comparant cette deuxième dualité à la première. L'analogie lui servira politiquement à déligitimer le travail des femmes en dehors du foyer : " Dieu a crée "deux genres" (naw') temporels pour leur assigner deux fonctions différentes, comme il a crée deux genres humains différents pour leur assigner deux tâches différentes." (II, 203 sqq) L'ancienne opposition aristotélicienne actif/passif réapparait curieusement chez le même Sha'raoui qui prétend pourtant s'appuyer sur la biologie moderne : "Dans l'acte sexuel, l'homme joue le rôle actif parce qu'il éjacule des spermatozoïdes qui facilitent la fécondité. Dans ce cas, il fournit un grand effort et libère une grande énergie, en éjaculant ces cellules reproductrices; par contre, le rôle de la femme est passif car ses sécrétions durant l'acte sexuel ne sont pas reproductrices de vie dans l'immédiat, mais servent seulement à lubrifier le sexe de l'homme afin de faciliter la pénétration et de ne pas rencontrer d'obstacle au moment de l'éjaculation(…) D'où le rôle positif de l'homme et le rôle négatif ou moins positif de la femme." (I/19).



    D'un système de pensée qui mariait monisme biologique et binarisme générique, on est passé à un binarisme qui ontologise et "naturalise" les différences entre les sexes. Mais ce binarisme n'est pas l'exclusive du discours fondamentaliste ou néo-fondamentaliste. La pensée féministe arabe a souvent basculé dans une sorte de différencialisme sexuel présentant parfois des vélleités culturalistes, et de ce fait, n'a pas formulé un véritable fondement universaliste à sa revendication égalitaire. On a trop vite attaqué Freud, en le comparant à Ghazali, en lui préférant ce grand théologien misogyne (Mernissi, 24 sqq; Sa'daoui, 217,753), simplement parce que, partant du monisme biologique ancien, il a déclaré que la femme est active pendant l'acte sexuel et la conception. On a ignoré l'arrière-fond universaliste du monisme freudien, ainsi que ses idées sur la non-concordance de l'anatomique et du psychique et sur la bisexualité psychique. Des écrits féministes tombent dans le même piège de l'ontologisation des différences entre les sexes en évoquant la "spécificité des femmes" et de l'écriture féminine. De la théorie du gender elle-même peut sortir, à l'insu de tous, de nouvaux "fétiches essentialisants" (Derrida, 43). Des sociologues ont pu récemment parler de "politique se basant sur le gender" et même d'"institutionnalisation du gender".



    [b]Dévoilement, revoilement[/b]

    Pourtant, un processus d'historisisation et donc de relativisation des différences entre les genres et des dispositions hiérarchisantes a été ébauché par le mouvement moderniste arabe, en même temps qu'une "réouverture des voies de la réflexion personnelle" (Ijtihad) et un "dévoilement" des femmes. Au début du vingtième siècle le terme "sufur" qui signifie : dévoilement du visage, était un mot magique, un emblème qui symbolisait le progrès et l'ouverture et s'appliquait non seulement aux femmes mais à toute la société. La revue qui s'appelait Sufur et qui a vu le jour en Egypte en 1915 revendiquait ce projet d'émancipation totale. (Ben Slama, www. elaph.com). Le tunisien Tahir Haddad (mort en 1935) a réclamé dès 1930, l'égalité des sexes en appelant à prêter plus d'attention aux "intentions éthiques de la Shari'a" (maqasid) qu'aux dispositions du droit musulman, sacralisés à tort. Il a dit clairement : "Le Coran a expressément ordonné dans de nombreux versets de discriminer les hommes et les femmes. Ceci n'empêche pas qu'il admet le principe de l'égalité sociale entre les sexes, lorsque les conditions sont réunies et que l'époque le nécessite, puisque son intention profonde est de viser à la justice absolue, à l'esprit du droit suprême, car l'Islam est la religion qui institue progressivement ses prescriptions en fonction des nécessités".(Haddad 43)

    Mais les mouvements fondamentalistes, qui se sont succédés dès les années vingt se sont vite opposés au mouvement de libération des femmes, en appelant celles-ci à se voiler doublement : à jouer leurs rôles traditionnels de mères et d'épouses et à porter le voile, désormais fétichisé. Entre le dévoilement et le revoilement des femmes, s'est répandu le nouveau dogme de l'infaillibilité de la Shari'a et de l'inamovibilité de ses dispositions, qui se fonde sur l'interdiction de réinterpréter les textes jugés "clairs" et "catégoriques". Exprimé ainsi : "l'Islam est valable pour tout temps et en tout lieu", ce dogme produit et répand le refus de l'histoire, le culte des dispositions du droit musulman et le désir maniaque de rendre le corps féminin invisible et intouchable. Enseigné jusque dans les écoles non coraniques, il est aujourd'hui orchestré par le régime wahhabite saoudien, l'Université al-Azhar, l'Organisation du Congrès Islamique, les chaînes satellitaires les plus populaires où régulièrement des cheiks rappellent les interdits qui frappent les femmes, les éditeurs qui remettent au goût du jour les textes des sermonnaires hanbalites et qui diffusent à peu de frais une littérature du mépris de la femme et de la culpabilisation de celle-ci….Et il ne faut pas s'y tromper : le revoilement contemporain n'est pas un simple retour du voile, une simple résurgeance des dispositions du droit musulman. Depuis la révolution iranienne notamment, c'est le modèle contradictoire de la femme voilée mais active qui s'est propagé, de la femme qui portera les stigmates de l'institution du Voile sans être recluse, qui apparaîtra tout en ayant le corps barré, interdit. Aussi, le voile est-il, comme la castration de Dalal, une tentative de marquage générique qui s'ajoute au marquage idéologique. Une tentative de réorganiser les différences entre les sexes et de revifier l'interdit qui frappait le corps féminin. Une tentative aussi de désérotiser l'espace public, mais qui tourne à l'échec et de la pire manière : c'est l'ombre des harems qui se trouve ainsi projetée sur la Cité, et c'est réduction à la femelle montrant ou ne montrant pas ses atours qui fera de la femme une "citoyyenne" bien particulière.



    [b][size=150]Shari'a et schizophrénie[/size][/b]

    Le statut juridique de l'esclave a disparu, et sans trop faire de bruit; les dispositions relevant du droit pénal, pourtant clairement codifiées par le Coran, ne sont plus appliquées dans la majorité des pays arabes. Mais pour l'essentiel, le statut de la femme reste inchangé. La revendication des droits politiques et civils pour les femmes butte encore sur le principe de l'autorité de l'homme sur la femme et ses corollaires, comme sur la tradition du Prophète qui dit : "jamais le peuple qui confie ses affaires à une femme ne connaîtra le succès"(Sahih al-Bokhari, Chap. des Conquêtes; Al-Ghazali II, 65). Dans des pays comme le Koweit ou Les Emirats du Golfe, les femmes ne sont autorisées ni à se porter candidates ni à voter. Mais ces conceptions marquent certainement le comportement électoral dans les pays où les droits de vote et de candidature sont garantis, mais où le taux de représentation des femmes dans les parlements est estimé à 5/100. En matière de droit privé, les législations arabes placent la femme sous l'autorité du père ou du mari, n'interdisent pas la polygamie, laissent généralement le mari décider du divorce, n'attribuent pas la nationalité aux enfants nés du mariage d'une femme avec un étranger, interdisent à la musulmane d'épouser un non-musulman..etc Malgré la misère politique régnante, il existe bien sûr des disparités entre les pays. En Tunisie, par exemple, le Code du Statut Pesonnel paru en 1957, interdit la polygamie, accorde à la femme le droit de divorcer sans invoquer de motif, remplace le devoir d'obéissance au mari par " le bien-vivre ensemble" (husn al-mu'a:shara) … bien que ce même code stipule que le "père est le chef (ra'i:s) de la famille". De plus, le droit à l'avortement a été reconnu dès juillet 1965. En Arabie Saoudite en revanche, le droit de paraître et d'avoir un visage, le droit de conduire une voiture peuvent être érigés en revendication politiques minimales. Mais d'une manière générale, et par delà toute diversité et complexité, on observe un peu partout un dualisme juridique : "le recours aux sources islamiques lorsqu'il s'agit de légiférer pour la famille ou dans le domaine du statut personnel, et, en même temps, l'abandon quasi-total de ces sources lorsqu'il s'agit de codifier le droit civil, le droit pénal, et, en général, toutes les autres branches du droit." (Chehata, Ascha, 311) Ce qu'on appelle aujourd'hui la Shari'a, c'est en gros, le droit personnel musulman, ultime garantie du maintien des rapports traditionnels entre les genres. Autrement dit : l'infériorisation de la femme, le contrôle de ses activités et de son corps. L'anhistoricité est source de schizophrénie. D'une part ces législations sont en contradiction avec la réalité sociale qui a vu une augmentation sensible du nombre de femmes actives dans les pays arabes, et plus encore de la proportion des femmes instruites, une politisation accrue des mouvements de femmes. D'autre part elles contredisent la majorité des Constitutions arabes qui reconnaissent tacitement ou de manière expresse l'égalité entre les hommes et les femmes. Cet état de schizophrénie est devenu une manière de traiter avec les Conventions internationales : les 14 pays arabes qui ont ratifié la "Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes" ont, au nom de la Shari'a ou des "spécificités culturelles", émis des réserves sur des clauses importantes de cette convention. "La déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam", publiée le 8/8/1990 par l'Organisation de la Conférence Islamique n'est ni plus ni moins qu'une annulation des principaux droits et libertés inscrits dans la Déclaration de l'homme au bénéfice de la Shari'a. Les articles 24 et 25 réitèrent que "la Shari'a est la référence unique pour interpréter ou expliciter n'importe quel article de ce document". Cette politique du double discours constitue donc une base de repli commode.

    Depuis la Conférence du Caire sur la population et le développement (1994) le concept d'"égalité" a été remplacé par celui d'"équité", pour répondre au souhait des pays arabes influents qui émettent, au nom de la Shari'a, des doutes sur l'universalité des droits de la femme et des réserves sur le principe d'égalité. La femme n'est pas encore désincarcérée du corps de la Umma : au nom de la "spécificité" de celle-ci, elle est maintenue dans son infériorité. Pareillement, au nom de la sauvegarde et de l'épuration de la Umma, on traque les homosexuels et on impose des identités de genre.



    Raja Ben Slama- ("Le plein-genre", Paris, éd La Découverte, 2004.)



    * Faculté de Lettres Mannouba, Tunis

    Références :

    -Ascha Ghassan : "Femme", Dictionnaire de l'Islam, Encyclopaedia Universalis, Paris, Albin Michel, 1997, pp308-312.

    -Blachère Régis : Le Coran : traduction nouvelle, Paris, Maisonneuve et Co, 1947-1950.

    -Benslama Fethi : « Le voile de l’Islam » Intersignes, n°11-12, printemps 1998, pp 59-73.

    -Butler Judith : Gender trouble, New York, Routledge, 1990.

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    -Muslim : Sahih (Recueil de traditions authentiques), Caire, s.d.

    -Qurtubi: : La Somme des dispositions du Coran, Beyrouth, 1985.

    -Sa'daoui Nawal : Etudes sur la femme et l'homme dans la société arabe, Beyrouth, 1990.

    -Sha'raoui Mutwalli : Les Fatwas : tout qui concerne la vie, le présent et l'avenir du musulman, Beyrouth, 1987.

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