• Le carcan de la langue arabe entrave la vie intellectuelle

    Le carcan de la langue arabe entrave la vie intellectuelle
    Dr. Sami Alrabaa


    Nous autres Arabes souffrons non seulement du manque de libertés politiques et religieuses et du retard économique, mais également d'un énorme problème de langage et de mode de pensée qui entrave le progrès de la civilisation.

    Les pays arabes ont deux niveaux de langage : l'arabe local, les variantes (dialectes) nationales et régionales du langage parlé, contre l'arabe standard. Il y a un arabe parlé par l’Egyptien, le Saoudien, le Syrien, le Marocain, etc.. Ces dialectes sont nos langues maternelles. Ils restent pourtant confinés à la conversation familière quotidienne. On ne nous permet pas de les employer pour écrire, particulièrement dans les livres, les journaux, les manuels scolaires et autres documents officiels.

    L'arabe standard est la langue officielle dans tous les états arabes. Ce n’est pourtant pas notre langue maternelle ; ce n’est d’ailleurs la langue maternelle de personne, nous commençons à l'apprendre à l'école à l'âge de 6 ou 7 ans. C'est notre deuxième langue par opposition à notre arabe parlé national et régional qui est notre langue maternelle.

    Vu que l'arabe standard est la langue de la culture dans les pays arabes depuis 1400 années, il est employé aussi bien pour la poésie que pour la traduction des livres scientifiques en arabe (particulièrement pendant le soi-disant âge d'or), il a développé un énorme répertoire de vocabulaire.

    Par contre, l'arabe parlé (dialectes) est méprisé, familier et reste confiné aux conversations quotidiennes simples. Son vocabulaire est resté pauvre.

    Pourtant quand vous demandez à un Arabe quelle est sa langue maternelle, il répondra faussement «l’ arabe, » voulant dire l'arabe standard, ce qui est faux. C’est l'arabe parlé notre langue maternelle.
    Les deux types/niveaux d’arabe partagent un certain vocabulaire, qui sont très souvent prononcés différemment. Ils diffèrent également complètement en termes de structure, de grammaire et de construction de la phrase.

    Les Arabes du Moyen-Orient : Syrie, Liban, Irak, Arabie Saoudite, Egypte et Palestine parlent des arabes similaires. Quand ils se réunissent et conversent, ils se comprennent facilement en dépit de diverses variantes locales du vocabulaire et de la prononciation.

    Les Arabes d’Afrique du Nord pratiquent un arabe parlé presque complètement différent. Un Syrien parlant à un Marocain ou à un Algérien, par exemple, comprendrait peut-être cinq %.

    L'arabe standard est pour tous les Arabes une lingua franca ; il est comme le latin pour les Espagnols, les Français ou les Italiens dont les langues nationales dérivent et se sont développées à partir du Latin. Tant que l’empire romain gouvernait l'Espagne, la France, l'Italie, et le Portugal, le latin était la langue de l'éducation et de la science, mais les habitants dans ces pays, suite à l'analphabétisme général, employaient leurs propres dialectes latins parlés, exactement comme des Arabes le font.

    Quand les Arabes de la péninsule Arabe envahirent les pays qui sont devenus les pays arabes d'aujourd'hui, ils ont imposé l'arabe comme langue officielle. Les langues locales comme l'araméen, le copte, le cananéen et l’hébreu ont été bannies. Comme la majorité des habitants de ces pays étaient illettrés, ils ne sont parvenus à apprendre qu’une sorte d'arabe bâtard, c.-à-d. l'arabe parlé, exactement comme les indigènes des Caraïbes ont appris l'anglais ; c.-à-d. une sorte d'anglais bâtard (créole) qui est grammaticalement et en termes de prononciation, différent de l'anglais standard.

    L'arabe standard, la langue officielle à travers le monde arabe est archaïque, affligé d’une grammaire et de méthodes d'analyse et d'enseignement tout aussi archaïques.

    Par conséquent, les étudiants arabes éprouvent de grandes difficultés à apprendre cette langue, luttant avec sa grammaire et sa structure rigide. Les Académies de langue arabe et l’establishment religieux musulman sont restés farouchement opposés à toute réforme linguistique. Pour eux, c’est la langue du saint coran et elle est sacrée.

    Tandis que des langues comme l’anglais, le français et l’allemand sont passées par des réformes linguistiques, l’arabe standard non. Alors que toutes ces autres langues ont incorporé un vocabulaire et des structures modernes, les académies arabes ont adopté un rôle de gardiens du temple puristes.

    Soixante % d'Arabes sont encore illettrés ou semi- illettrés et sont ainsi privés de l’accès à la lecture et à l'éducation. La majorité des Arabes lit peu. Ils sont rebutés par la structure pédante de l’arabe standard. Leur manque de maîtrise de cette langue en est la cause. C’est comme si l’on forçait les Espagnols à employer le latin pour la lecture.

    L'arabe standard est une langue artificielle. Nous autres Arabes ne nous identifions pas à cette « langue. » Nous ne sommes pas nés avec elle.

    Dans le monde, les gens, particulièrement les occidentaux, apprécient la lecture des livres parce qu’ils sont écrits dans leur langue. Ils reflètent leur langue maternelle, leur culture et leur mentalité. Quelques livres deviennent des best-sellers, mais dans le monde arabe ce phénomène nous fait défaut.

    Dans un commentaire sur un article que j’avais posté sur un site arabophone, Wafa Sultan raconte une anecdote au sujet de sa mère illettrée. Un ami iranien s’était adressé en arabe standard à sa mère, mais la brave dame n'avait pas compris un mot. Il était surpris et a demandé : “Comment comprend-elle les nouvelles à la TV et à la radio (qui emploient l’arabe standard) ?” Wafa a répondu : “Elle ne comprend pas.” Le monsieur en a conclu que non seulement la pauvre femme était emprisonnée entre les murs de l’illettrisme mais qu’en plus elle était ostracisée puisqu’elle ne savait pas ce qui se passe.

    Pouvoir employer sa langue maternelle est un droit fondamental. La charte des Nations Unies énonce que les Hommes ont le droit d’employer leur langue maternelle ou au moins une langue qui en soit proche. Les Kurdes, par exemple, ont été privés de ce droit pendant des décennies. Et nous autres Arabes sommes encore privés de ce droit. Nous sommes toujours forcés de nous servir d'une deuxième langue.

    Tant l’establishment religieux musulman que les panarabistes veulent que l'arabe standard reste la langue officielle pour des raisons religieuses et politiques.

    L’establishment religieux s’agrippe à l’arabe standard pour que ses cheikhs aient l’air de bien lire et maîtriser un langage que la majorité des arabes ne comprend pas. Ainsi les Oulémas passent pour des érudits et la langue du Coran à l’air d’être divine.

    Pour les panarabistes, l'arabe standard est un facteur d'unité des pays arabes.

    La vérité est que les sociétés arabes ont peu de points communs, à part peut-être l’arriération et l’oppression. Elles sont différentes en termes de langage et de culture. Ce sont toutes d’anciennes colonies de l’empire musulman, subjuguées par l’Islam.

    La recherche linguistique a prouvé que la langue et la pensée vont de pair. Quand un Arabe veut ou est obligé de s’exprimer de manière formelle, il pense dans son dialecte (arabe parlé) et essaye ensuite de formuler sa pensée dans une langue étrangère : l’arabe standard (seconde langue). Résultat il achoppe à chaque mot. Son dialecte est pauvre : il n’est pas doté de termes conceptuels décrivant les concepts abstraits, résultat son arabe standard sera lui-aussi pauvre.

    Par exemple, quand un politicien arabe comme Amr Mousa, le Président de la ligue arabe, improvise une déclaration il accouche laborieusement ses phrases en arabe standard. Il essaye d'adapter ses pensées en arabe parlé dans des formules en arabe standard qui sont rarement compréhensibles. Si vous essayez de comprendre ce qu’il a voulu dire, le résultat sera hasardeux. Plus souvent qu’à leur tour, les politiciens arabes disent des choses qu'ils ne voulaient pas vraiment dire mais qui leur donnent l’air cultivé.

    C'est l'une des raisons pour lesquelles les Arabes, et les politiciens en particulier, sont si confus et si vagues. Ils ne trouvent pas leurs mots, et s'ils disent quelque chose ils ne maîtrisent pas ce qu’ils disent. Il leur manque la maîtrise d’un mode d’expression riche et moderne, une argumentation flexible, riche, abstraite. Comme ils sont dépourvus de moyens de persuasion, ils ont recours à des mesures de répression violentes.

    Sur un forum Internet en arabe, la majorité des intervenants soutenaient l’idée d’une réforme de la situation linguistique dans le monde arabe.

    Entre autres choses je suggère de fusionner l’arabe parlé et l’arabe standard. Au fil du temps, cette nouvelle langue sera intégrée par tout le monde et nous aurons enfin une langue maternelle riche avec laquelle nous pourrons penser et nous exprimer. Nous n’aurons plus besoin de passer chaque fois de la langue en laquelle nous pensons à une autre langue qui nous est étrangère. Ce n’est qu’alors que la pensée arabe deviendra une réalité. Nous serons capables de dire ce que nous pensons vraiment.

    Quelqu’un qui a une langue maternelle riche en modes d’expression pense plus clairement. Et c’est exactement ce qui manque aux sociétés arabes.

    http://www.familysecuritymatters.org/publications/id.3880/pub_detail.asp

    « Le Saint Coran n’est pas inimitableAversion du porc chez le vrai Musulman »

  • Commentaires

    1
    Mardi 21 Janvier 2014 à 15:54

    A consulter avec profit

     l’ouvrage de M. Chérif El Choubachy intitulé :

    « Le Sabre Et La Virgule ; La Langue Du Coran Est-Elle A L'Origine Du Mal Arabe ? » publié aux éditions Archipel et qui va dans le même sens que l'article du Dr. Alrabaa.

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/choubachy-c/le-sabre-et-la-virgule-la-langue-du-coran-est-elle-a-l-origine-du-mal-arabe,1386461.aspx

    Gage de sérieux de cet ouvrage ( titre original en arabe : لتحيا اللغة العربية.. ويسقط سيبويه ), en 2004, au « parlement » égyptien, un député des Frères musulmans a jugé bon de réclamer l’interdiction du livre .

    Journaliste et écrivain,Chérif Choubachy a été vice-ministre de la Culture de l’Egypte après une carrière de diplomate à l’Unesco et de directeur du bureau du journal Al Ahram à Paris.

     

     

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