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    « État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 1/2 D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?


    « État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » par Graeme Wood


    Nous publions ici l’article d’un journaliste américain, Graeme Wood de la revue TheAtlantic, relatif aux objectifs et à la nature profonde du groupe l’État islamique.



    L’État Islamique est sans conteste un ramassis de psychopathes. Mais
    c’est aussi un groupe religieux avec des croyances très spécifiques,
    parmi lesquelles la certitude de l’imminente fin des temps. Une
    certitude qui imprègne fortement sa stratégie mais qui nous offre
    également des pistes pour la mettre en échec.



    D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?



    La simplicité de ces questions peut être trompeuse, et il est probable
    que seuls quelquesdirigeants occidentaux soient en mesure d’y
    répondre.



    Au mois de décembre, le New YorkTimes publiait des propos
    confidentiels du général de divisionMichael K. Nagat, commandant des
    opérations spéciales américaines pour le Moyen-Orient :



    ” Nous n’avons pas vaincul’idée… Nous ne l’avons même pas comprise“,



    illustrant ses difficultés àseulement pouvoir donner du sens à l’appel
    de l’État islamique.



    Au cours de l’année écoulée,le président Obama l’a, quant à lui,
    défini comme n’étant“pas islamique” (sic) ou encore l’a qualifié
    “d’équipejunior” d’al-Qaeda.



    Autant de déclarations quireflètent la confusion régnant à propos de
    ce groupe, uneconfusion qui est sans doute à l’origine d’importantes
    erreursstratégiques.



    En juin dernier, le groupe s’estemparé de Mossoul, en Irak, et
    contrôle depuis lors une zone plusétendue que le Royaume-Uni. Abu Bakr
    al-Baghdadi est à sa têtedepuis mai 2010.



    Jusqu’à l’été dernier, saplus récente image connue était celle d’une
    photo de mauvaisequalité, prise par l’identité judiciaire américaine
    au cours desa captivité au camp de Bucca, durant l’occupation de
    l’Irak.



    En apparaissant le 5 juilletdernier à la mosquée al-Nuri de Mossoul
    pour y délivrer le sermondu Ramadan en tant que premier calife depuis
    des lustres, il aréalisé une mise à jour haute définition de cette
    image, enpassant du statut de rebelle pourchassé à celui de commandeur
    detous les musulmans.



    Depuis, on observe l’arrivéed’un flot continu et sans précédent de
    djihadistes venant dumonde entier.



    Notre méconnaissance de l’Étatislamique est, par certains côtés,
    compréhensible: il s’agitd’un “Royaume ermite” où peu de gens se sont
    rendus et d’oùpeu sont revenus. Baghdadi ne s’est exprimé qu’une seule
    foisdevant une caméra. Mais les partisans du califat ont
    œuvrépuissamment à la promotion de leur projet et son allocution
    ainsique les encycliques et les autres innombrables vidéos de
    propagandede l’État islamique se trouvent en ligne.



    Leur étude nous permet d’endéduire que leur État rejette, par
    principe, la paix, qu’il estgénocidaire, que ses opinions religieuses
    le rendent par essenceincapable d’évoluer sur certains points, même si
    sa survie devaiten dépendre, et qu’il se considère comme un élément
    précurseur,et même un acteur majeur, de l’imminente fin du monde.



    L’État islamique, égalementconnu sous le nom d’État islamique en Irak
    et au Levant (EIIL),suit une version très particulière de l’Islam, où
    les croyancesrelatives au jour du jugement dernier influencent
    directement sastratégie.



    Elles peuvent en cela aiderl’Occident à mieux le connaître à anticiper
    ses actions.



    L’avènement de sa puissances’apparente moins au succès des Frères
    Musulmans en Égypte (ungroupe dont les dirigeants sont considérés
    comme des apostats parl’EI) qu’à la réalisation d’une réalité
    alternativedystopique où David Koresh ou encore Jim Jones auraient
    survécu etoù ils exerceraient un pouvoir absolu, non sur quelques
    centaines depersonnes, mais sur près de 8 millions.



    Nous nous sommes trompés sur lanature de l’État islamique sur au-moins
    deux points.



    Tout d’abord, nous voyons ledjihadisme comme un bloc monolithique et
    nous essayons d’appliquer,à une organisation qui a fermement éclipsé
    al-Qaeda, la mêmelogique qu’à cette dernière. Les partisans de l’État
    islamiqueavec qui j’ai discutés évoquent encore Ousama ben Laden sous
    letitre honorifique de“Sheikh Ousama”.



    Mais le djihadisme a évoluédepuis les grandes heures d’al-Qaeda, entre
    1998 et 2003, et denombreux djihadistes dédaignent désormais les
    priorités du groupeainsi que son actuel commandement.



    Ben Laden considérait leterrorisme comme le prologue d’un califat
    qu’il ne s’attendaitpas à voir de son vivant. Son organisation était
    flexible, opérantcomme un réseau de cellules autonomes,
    géographiquement dispersées.



    L’État islamique, aucontraire, a besoin d’un territoire afin de
    demeurer légitime etd’une structure verticale pour l’administrer.



    (Son administration se divise enune branche civile et une branche
    militaire et le territoire estscindé en provinces.)



    Nous nous sommes égalementtrompés lorsqu’au moyen d’une campagne bien
    intentionnée mais,malhonnête, nous avons nié la nature religieuse et
    médiévale del’EI.



    Peter Bergen, qui a réalisé lapremière interview de Ben Laden en 1997
    avait intitulé son premierlivre “Guerre Sainte, Inc.” pour bien
    marquer que Ben Laben étaitune créature du monde séculier actuel. Ben
    Laden a transformé laterreur en entreprise et l’a franchisée. Il
    exigeait desconcessions politiques telles que le retrait des forces
    américainesd’Arabie Saoudite. Ses fantassins étaient à l’aise dans
    lemonde moderne. Mohammed Atta a ainsi consacré la dernière journéede
    son existence à faire du shopping chez Walmart et à dîner chezPizza
    Hut.



    Il est tentant de conserver cettevision selon laquelle les djihadistes
    sont des gens modernes etséculiers, avec des préoccupations politiques
    actuelles, arborantseulement des déguisements religieux médiévaux pour
    faire en sorteque l’État islamique corresponde à cela.



    En fait, nombre des actes dugroupe semblent absurdes, sauf à les
    considérer attentivement à lalumière de son engagement à ramener la
    civilisation dans sonenvironnement légal du VIIème siècle, pour
    finalement provoquerl’apocalypse.



    Les plus parlants sur cettequestion sont encore les autorités et les
    militants de l’Étatislamique eux-mêmes. Leurs références aux
    “modernes” sontdérisoires. Pendant les conversations, ils insistent
    sur le faitqu’ils ne veulent pas – ne peuvent pas – s’écarter
    depréceptes de gouvernance intégrés dans l’Islam par le
    prophèteMohammed et ses premiers compagnons.



    Ils utilisent souvent desformules codifiées, aux sonorités étranges et
    surannées pour desnon-musulmans, mais qui se rapportent à des textes
    et des usagesspécifiques aux premiers temps de l’Islam.



    Pour prendre un exemple: au moisde septembre, Sheikh Abu Muhammad
    al-Adnani, le porte-parole en chefde l’EI, a appelé les musulmans des
    pays occidentaux, tels que laFrance et le Canada, à trouver un
    infidèle et à “frapper sa têteà coup de pierre“, à l’empoisonner, à
    lui rouler dessus avecune voiture“, ou à “détruire ses récoltes”.



    Pour des oreilles occidentales,la juxtaposition de châtiments d’aspect
    biblique, telles que lalapidation ou la destruction de récoltes avec
    un appel au meurtre àl’aide d’une voiture résonne de manière étrange.
    (Adnanin’hésite pas non plus à employer de simples métaphores
    commelorsqu’il évoque le secrétaire d’État John Kerry en lequalifiant
    de “vieillard incirconcis“).



    Mais les mots d’Adnani nerelevaient pas du simple dérapage verbal. Ses
    propos étaientparsemés de réflexions juridiques et théologiques et
    sonexhortation à s’en prendre aux récoltes faisaient directementécho
    aux commandements de Mohammed de ne toucher ni à l’eau, niaux récoltes
    – à moins que les armées de l’islam ne soientplus sur la défensive,
    auquel cas, les musulmans se trouvant sur laterre du “kouffar” , ou
    infidèle, devaient être sans pitié etles empoisonner.



    La réalité, c’est quel’État islamique est islamique. Très islamique.



    Oui, il a attiré despsychopathes et des aventuriers, largement issus
    des populationsinsatisfaites du Moyen-orient et d’Europe.



    Mais la religion prêchée parses plus fervents adeptes provient
    d’interprétations cohérenteset savantes de l’Islam.



    Pratiquement toutes les décisionset lois majeures promulguées par
    l’État islamique suivent cequ’il appelle, dans ses journaux, dans ses
    déclarations et sur sesaffiches, sur ses plaques d’immatriculation,
    ses imprimés ou sespièces de monnaie: “la voie du prophète”, ce qui
    signifiesuivre le récit et l’exemple du Prophète, dans les
    moindresdétails.



    Les musulmans peuvent rejeterl’État islamique, quasiment tous le font.
    Mais prétendre qu’iln’est pas réellement un groupe religieux,
    millénariste, avec unethéologie qui doit être comprise pour être
    combattue, a déjàconduit les États-Unis à le sous-estimer et à mettre
    en œuvre desschémas insensés pour le contrer.



    Nous aurons besoin de nousfamiliariser avec la généalogie
    intellectuelle de l’EI si nousvoulons réagir d’une manière qui ne le
    renforce pas, mais aucontraire, qui favorise son autodestruction sous
    l’effet de sespropres excès de zèle.



    Le contrôle d’un territoireest une condition essentielle pour affirmer
    l’autorité de l’Étatislamique aux yeux de ses partisans.



    Cette carte, inspirée destravaux de l’Institute for the Study of War,
    représente au 15janvier les territoires tombés sous le contrôle du
    califat ainsique les zones attaquées.



    Partout où il est au pouvoir,l’État islamique collecte des taxes, fixe
    les prix, rend lajustice et administre les services parmi lesquels les
    soins médicaux,l’éducation et les télécommunications.



    I. La Dévotion



    En novembre, l’État islamiquea diffusé un publi-reportage faisant
    remonter ses origines à BenLaden. Abu Musa’b al Zarqawi, le cruel chef
    d’al-Qaeda en Irak de2003 jusqu’à sa mort en 2006, y est considéré
    comme un géniteurplus récent. Deux autres chefs de guerre lui ont
    succédé avantl’arrivée de Baghdadi, le calife. Ayman al Zawahiri, le
    chirurgienophtalmologiste égyptien au look d’intellectuel, successeur
    de BenLaden à la tête d’al-Qaeda, n’y est pas mentionné.



    Zawahiri n’a pas prêtéallégeance à Baghdadi et il est de plus en plus
    détesté par sescamarades djihadistes. Son absence de charisme aggrave
    son isolement.Dans les vidéos, il apparaît biaiseux et ennuyeux. Mais
    la scissionentre al-Qaeda et l’État islamique a mis du temps à
    seconcrétiser et elle explique en partie la soif de sang hors norme
    dece dernier.



    Le religieux jordanien AbuMuhammad al Maqdisi, compagnon de Zawahiri,
    est lui aussi isolé. A55 ans, il peut se targuer d’être l’architecte
    d’al-Qaeda etle plus important des djihadistes méconnus du lectorat
    moyen dejournaux américains. Sur la plupart des questions en matière
    dedoctrine, Maqdisi et l’EI sont d’accord.



    Tous deux appartiennent à labranche djihadiste du sunnisme appelée
    Salafisme, dans les pas “d’alSalaf al Salih”, les “pieux ancêtres”.
    Ces derniers ne sontautres que le Prophète lui-même et ses premiers
    partisans, que lessalafistes honorent et prennent en modèle sur tous
    les aspects de lavie, que ce soit pour faire la guerre, pour coudre,
    pour organiser lavie de famille et même pour les soins dentaires.



    Maqdisi a formé Zarqawi, cedernier a fait la guerre en Irak grâce aux
    conseils du vieil homme.Avec le temps, son fanatisme a dépassé celui
    de son mentor qui luien a finalement fait le reproche. En cause, le
    goût de Zarqawi pourles mises en scènes sanglantes et, sur le plan
    doctrinal, la hainequ’il nourrissait envers les autres musulmans et
    qui l’amenait àles excommunier et à les tuer.



    Dans l’Islam, la pratique du“takfir”, l’excommunication, est
    théologiquement périlleuse.“Si un homme dit à son frère – tu es un
    infidèle -” leProphète affirme alors “que l’un des deux est dans le
    vrai.“Si l’accusateur se trompe, ses fausses accusations font de lui
    unapostat. La punition pour l’apostasie est la mort. Et Zarqawi
    aétendu de manière inconsidérée l’éventail des comportementsjugés
    “infidèles” pour les musulmans.



    Maqdisi a écrit à son ancienélève qu’il devait faire preuve de
    prudence et “ne pas lancerd’excommunications généralisées” ou
    “déclarer les genscomme apostats à cause de leurs pêchés“. La
    distinction entre unapostat et un pêcheur peut paraître subtile, mais
    c’est un pointde désaccord essentiel entre al-Qaeada et l’EI.



    Dénier au Coran et aux récitsde Mohammed leur caractère sacré relève
    clairement de l’apostasie.Mais Zarqawi et l’État qu’il a engendré
    considèrent qu’ilexiste beaucoup d’autres actes susceptibles de sortir
    un musulmandu cadre de l’Islam. Ceci inclut la vente d’alcool ou de
    drogue,le port de vêtements occidentaux, le fait de se raser la barbe,
    devoter à des élections même si c’est pour un candidat musulman,ou
    encore d’être trop peu regardant sur l’apostasie des autres.



    Être chiite, comme c’est lecas pour beaucoup d’Arabes irakiens, entre
    bien sûr dans cettecatégorie. En effet, l’EI conçoit le chiisme comme
    une nouveauté,et innover en matière de Coran, cela équivaut à remettre
    en causesa perfection originelle. (L’EI déclare que les
    pratiquescourantes du chiisme telles que l’adoration des mausolées
    d’imamsou les auto-flagellations publiques ne se fondent sur aucune
    baseissue du Coran ou de la vie du Prophète).



    Cela signifie qu’environs 200millions de chiites sont voués à la mort.
    Sont également concernéstous les chefs d’États musulmans qui ont élevé
    la loi des hommesau-dessus de la Sharia voulue par Allah, en imposant
    le respect detextes profanes.



    Suivant la doctrine “takfiri”,l’État islamique est déterminé à
    purifier le monde en tuant ungrand nombre de personnes. Il est
    difficile de connaître l’étendueexacte des massacres perpétrés dans
    ces territoires en raison dumanque de rapports objectifs qui en
    émanent, mais les messagespostés sur les médias sociaux de la région
    laissent penser que lesexécutions individuelles s’opèrent de manière
    plus ou moinscontinue et qu’il y a des exécutions de masse tous les 15
    jours.



    Les musulmans “apostats” sontles victimes les plus courantes. Les
    chrétiens, à condition de nepas s’opposer à ce nouveau gouvernant, ne
    font pas l’objetd’exécutions systématiques. Baghdadi les laisse vivre
    àcondition qu’ils payent une taxe spéciale connue sous le nom
    de“jizya” et reconnaissent leur sujétion.



    Il s’agit là d’une pratiquecoranique qui ne fait pas débat.



    En Europe cela fait des sièclesque les guerres de religion ont cessé
    et que les hommes ne meurentplus en grand nombre pour cause de
    différents théologiques. C’estpeut-être la raison pour laquelle les
    Occidentaux ont accueilli avecun tel déni et une telle incrédulité les
    informations relativesaux croyances et aux pratiques de l’État
    islamique. Beaucouprefusent de croire que ce groupe soit aussi dévot
    qu’il le prétendou aussi rétrograde et apocalyptique que le laissent
    entendre sesdéclarations et ses actes.



    Leur scepticisme estcompréhensible. Par le passé, les Occidentaux
    accusaient lesmusulmans de suivre aveuglément les anciennes écritures,
    ce quiaffligeait certains universitaires. Chez ces universitaires,
    comme ledéfunt Edward Saïd, la manière occidentale de présenter
    leschoses ne constitue jamais qu’une autre manière de dénigrer
    lesmusulmans.



    Ces universitaires exhortent àplutôt se pencher sur les conditions
    d’émergence de cesidéologies : mauvaises gouvernances, changements des
    mœurssociales, humiliation de vivre sur des terres estimées pour
    leurseule valeur pétrolifère.



    Aucune hypothèse expliquantl’avènement de l’État islamique ne saurait
    être complète sansla prise en considération de ces facteurs. A
    contrario, seconcentrer uniquement sur ces derniers, sans prendre en
    comptel’idéologie, relève d’une autre forme de partialitéoccidentale :
    si l’idéologie religieuse ne compte pas beaucoup àWashington ou à
    Berlin, c’est au contraire bien le cas à Mossoulou à Raqqa…



    Lorsqu’un bourreau masqué dit”Allahu akbar” tout en décapitant un
    apostat, il arrive,parfois, qu’il le fasse pour des motifs religieux.



    Beaucoup d’organisationsmusulmanes “mainstream” agissent en ce sens,
    affirmant que l’Étatislamique est, en fait, non-islamique. Il est bien
    sûr rassurant desavoir que la grande majorité des musulmans ne voit
    aucun intérêtà remplacer les films Hollywoodiens par les vidéos
    d’exécutionspubliques en guise de divertissements hebdomadaires.



    Mais, comme me le confiaitl’universitaire Bernard Haykel, directeur de
    recherche dudépartement de théologie à l’université de Princeton,
    lesmusulmans qui nient le caractère islamique de l’État du mêmenom,
    sont généralement “gênés et politiquement corrects, ayantune vision
    angélique de leur propre religion“.



    Une vision qui néglige “toutce que leur religion a exigé tant sur le
    plan historique quejuridique“. « Nombre de négateurs de la nature
    religieuse del’État islamique sont, m’a t-il dit, enracinés dans
    une“tradition chrétienne inter-religieuse absurde“.



    Tous les universitaires que j’aipu interroger à propos de l’idéologie
    de l’État islamiquem’ont renvoyé vers Haykel. A moitié Libanais,
    Haykel a grandi auLiban et aux États-Unis et lorsqu’il s’exprime
    derrière sonbouc à la Méphistophélès, il a une pointe d’accent
    étrangerindéfinissable.



    Selon Haykel, les rangs de l’Étatislamique sont profondément imprégnés
    d’une ferveur religieuse.Les citations coraniques sont omniprésentes.
    “Même les fantassinsen débitent sans arrêt” dit-il. “Ils empoignent
    leurs caméraset répètent leur doctrine de base de façon mécanique, et
    ils fontça tout le temps“.



    Il considère les déclarationsselon lesquelles l’État islamique aurait
    déformé les textes del’Islam comme grotesques et n’étant soutenues que
    par uneignorance délibérée.



    “Les gens veulent absoudrel’Islam” dit-il, “à lamanière d’un mantra :
    l’islam est une religion depaix. Comme s’il y avait une telle chose
    dans l’Islam! C’estce que font les musulmans et la manière dont ils
    interprètent leurstextes. Ces textes sont partagés par tous les
    musulmans sunnites,pas juste par ceux de l’État islamique. Et ces
    types sont doncaussi légitimes à le faire que n’importe qui d’autre.“



    Tous les musulmans reconnaissentque les premières conquêtes de Mahomet
    ne furent pas un long fleuvetranquille, que le Coran est imprégné des
    lois de la guerre et queles règles conduisant la vie du Prophète ont
    été calibrées pourrépondre à des temps troublés et violents. Selon
    l’hypothèse deHaykel, les combattants de l’État islamique sont
    véritablementfigés aux temps de l’islam des origines dont ils
    reproduisentpieusement les standards guerriers.



    Ce comportement inclut un certainnombre de pratiques que les musulmans
    actuels préfèrent ne pasreconnaître comme faisant intégralement
    parties de leurs textessacrés. Mais ”esclavage, crucifixions et
    décapitations ne sontpas des actes que les djihadistes sont allés
    chercher dans la seuletradition médiévale”[mais bien dans le coran
    NDT]. Lessoldats de l’État islamique sont “en plein dans la
    traditionmédiévale et ils la font ressurgir à grande échelle dans le
    tempsprésent.“



    Le Coran précise ainsi que lacrucifixion constitue le seul châtiment
    autorisé pour les ennemisde l’Islam. La taxe sur les chrétiens trouve
    son fondementdans le Surah Al-Tawba, le neuvième chapitre du Coran,
    qui enseigneaux musulmans qu’il faut combattre les chrétiens et les
    juifs“jusqu’à ce qu’ils payent la jizya en acceptant leursoumission et
    se tiennent tranquilles“. Le Prophète, que toutmusulman considère
    comme un exemple, a imposé ces règles etpossédait des esclaves.



    Les dirigeants de l’Étatislamique se sont mis en devoir de s’inspirer
    strictement deMahomet et ont fait ressurgir des traditions qui étaient
    endormiesdepuis des centaines d’années. “Ce qui est frappant chez eux,
    cen’est pas seulement leur interprétation littérale, mais aussi
    lesérieux avec lequel ils lisent les textes” dit Haykel. “Il y alà une
    assiduité, une gravité obsessionnelle que les musulmans nepossèdent
    pas normalement“.



    Avant l’émergence de l’Étatislamique, le seul groupe ayant tenté de
    suivre durant les 200dernières années le modèle prophétique avec une
    fidélité aussiradicale était les Wahabites du XVIIIe siècle en Arabie.
    Ilss’emparèrent de ce qui constitue aujourd’hui une grande part
    del’Arabie Saoudite où l’héritage de leur stricte pratiques’observe
    encore dans une version édulcorée de la Sharia.



    Haykel note une différenceimportante entre les deux groupes : “La
    violence des Wahabitesn’était pas débridée. Ils étaient entourés
    d’autresmusulmans et ils ont conquis des terres qui étaient
    déjàislamiques, ce qui retenait leur bras.



    L’EIIL, au contraire, revitpleinement “l’Islam des origines“. Les
    premiers musulmansétaient encerclés par les non-musulmans, et l’État
    islamique, auregard de sa tendance à l’excommunication, se considère
    dans lamême situation.



    Si al-Qaeda voulait réhabiliterl’esclavage, il ne l’a jamais dit. Et
    d’ailleurs pourquoil’aurait-il fait? Le silence sur l’esclavage est
    probablement lereflet d’une pensée stratégique qui vise à s’attirer
    lasympathie du public. Lorsque l’État islamique a commencé àréduire
    des gens en esclavage, certains de ses partisans ont tiqué.Néanmoins,
    le califat a continué à pratiquer l’esclavage etla crucifixion sans
    hésitation.



    “Nous conquerrons votreRome, briserons vos croix et prendrons vos
    femmes comme esclaves”a promis leur porte-parole Adnani lors de ses
    fréquentesdéclarations d’amour à l’Occident. “Si nous n’avons pasassez
    de temps pour y parvenir, alors nos enfants et petits-enfants
    yparviendront et ils vendront vos fils sur les marchés auxesclaves“.



    Au mois d’octobre Dabiq, lemagazine de l’État islamique, publiait un
    article intitulé “Leretour de l’esclavage avant l’Heure‘, le sujet
    était de savoirsi les Yazidis (les membres d’une secte kurde
    ancestrale quiemprunte des éléments à l’Islam et qui a été attaquée
    par lesforces de l’État islamique dans le Nord-Est de l’Irak)
    étaientdes musulmans dévoyés et donc voués à la mort, ou seulement
    despaïens et, en cela, bons pour l’esclavage.



    Un groupe de travail d’éruditsde l’État islamique a été mandaté par le
    gouvernement pourtraiter cette question. S’ils sont païens, écrit
    l’auteuranonyme de l’article :



    “Les femmes et les enfantsyazidis doivent être partagés, conformément
    à la Sharia, entreles combattants de l’État islamique ayant participé
    auxopérations du mont Sinjar (dans le Nord-Est de l’Irak).





    …Réduire en esclavage lesfamilles des infidèles (kouffars) et prendre
    leurs femmes commeconcubines constitue un aspect clairement établi de
    la Sharia etquiconque le contesterait ou le moquerait, de fait,
    contesteraitou moquerait les versets du Coran et les paroles du
    Prophète… Etil serait exclu de l’Islam comme apostat”.



    II. Territoire



    Le nombre de musulmans étrangersayant émigré vers l’État islamique est
    estimé à plusieursdizaines de milliers. Les recrues viennent de
    France, du Royaume-Uni,de Belgique, d’Allemagne, de Hollande,
    d’Autriche, d’Indonésie,des États-Unis et de bien d’autres pays.
    Beaucoup sont venus pourcombattre, et beaucoup entendent y mourir.



    Peter R Neumann, professeur auKing’s College de Londres, m’a affirmé
    que les discussions enligne jouent un rôle essentiel pour la diffusion
    de la propagande etpour s’assurer que les nouveaux venus savent ce
    qu’il fautcroire.



    Le recrutement par internet aégalement contribué à élargir la
    démographie de la communautédjihadiste, en permettant à des musulmanes
    conservatrices -nequittant pas leur domicile- d’entrer en contact avec
    desrecruteurs, de se radicaliser et d’organiser leur voyage en
    Syrie.Grâce à ces appels vers les deux sexes, l’État islamique
    espèreconstruire une société à part entière.



    Au mois de novembre, je me suisrendu en Australie pour rencontrer Musa
    Cerantonio, un homme âgéd’une trentaine d’années que Neumann et
    d’autres chercheursavaient identifié comme une des deux plus
    importantes “autoritésspirituelles” pour ce qui est d’inciter les
    étrangers àrejoindre l’État islamique.



    Il y 3 ans, il étaittélé-prédicateur au Caire sur Iqraa TV, il a
    quitté la chaînelorsque celle-ci lui a reproché ses fréquents appels à
    établir uncalifat. Il prêche désormais sur Twitter et sur Facebook.



    Cerantonio – un grand gaillardavenant aux allures d’intello – m’a
    affirmé pâlir à la vuedes vidéos de décapitation. Il déteste les
    scènes de violence,même si le soutien à l’État islamique exige de les
    endurer. (Ilse prononce contre les attentats suicides, à
    contre-courant desautres djihadistes, au motif que Dieu interdit le
    suicide; il sedifférencie également de l’État islamique sur
    d’autrespoints).



    Les cheveux en bataille à lamanière de certains fans hirsutes du
    Seigneur des Anneaux, sonobsession pour la fin des temps islamiques
    apparaît coutumière. Ilsemble surgir tout droit d’un drame qui, vue de
    l’extérieur,ressemble à un roman médiéval fantastique, mais où le sang
    coulepour de vrai.



    En juin dernier, Cerantonio et safemme ont essayé d’émigrer – il n’a
    pas voulu dire où (“ilest illégal d’aller en Syrie“, dit-il
    prudemment) – mais ilsont été interceptés aux Philippines, puis son
    visa ayant expiréil a été reconduit en Australie. L’Australie a
    criminalisé lefait de vouloir rejoindre l’État islamique et il lui a
    confisquéson passeport.



    Il est coincé à Melbourne, oùil est bien connu des services de police
    locaux. Si Cerantonio sefaisait prendre à aider des individus dans
    leur voyage vers l’ÉtatIslamique, il serait emprisonné. Toutefois,
    jusque là, il est libre– un idéologue sans affiliation technique, qui
    s’exprimenéanmoins et dont l’opinion sur les sujets doctrinaux
    relatifs àl’État islamique font référence auprès des autres
    djihadistes.



    Nous nous sommes retrouvés pourun déjeuner, à Footscray, une banlieue
    dense et multiculturelle deMelbourne comme le décrit le guide de
    voyage Lonely Planet.Cerantonio a grandi ici, dans une famille
    irlando-calabraise. Desrues typiques où on trouve des restaurants
    africains, des boutiquesvietnamiennes et où de jeunes arabes vont et
    viennent en tenue desalafiste, la barbe étroite, la chemise longue et
    le pantalon surles mollets.



    Cerantonio m’a relaté toute lajoie qu’il a ressentie lorsque Baghdadi
    a été déclaré calife le29 juin et la soudaine attirance que la
    Mésopotamie a dès lorsexercé sur lui et ses amis. “J’étais dans un
    hôtel [auxPhilippines], j’ai suivi la déclaration à la
    télévision,j’étais vraiment épaté, à me demander pourquoi
    j’étaiscoincé ici dans cette p**** de chambre ?“.



    Le dernier califat remonte àl’empire Ottoman qui a atteint son apogée
    au XVIe siècle avant deconnaître un long déclin, jusque à ce que
    Mustafa Kemal Atatürk,le fondateur de la République de Turquie ne lui
    porte le coup degrâce en 1924.



    Mais Cerantonio, comme beaucoupde partisans de l’État islamique, ne
    reconnaît aucune légitimitéà ce califat car il n’a pas pleinement
    appliqué la loi islamiquequi exige les lapidations, l’esclavage et les
    amputations, maisaussi parce que ses califes ne descendaient pas de la
    famille duProphète, les Quraysh.



    Baghdadi a longuement évoquél’importance du califat au cours de son
    sermon de Mossoul. Il aaffirmé que redonner vie aux institutions du
    califat – qui n’ontpas fonctionné autrement que de nom durant près de
    1000 ans –constituait une obligation commune. Lui et ses fidèles
    avaient“précipité la déclaration du califat et placé un imam à
    satête”.



    “C’est un devoir qui s’imposeaux musulmans – un devoir qui s’était
    perdu pendant dessiècles…vouant les musulmans au pêché, mais qu’ils se
    devaientde le rechercher pour le rétablir“. Comme Ben Laden avant
    lui,Baghdadi parle avec emphase, usant d’allusions scripturales
    etrecourant aux techniques oratoires classiques. Mais à la
    différencede ce dernier et des faux califes de l’empire Ottoman, il
    est unQurayshi.



    D’après Cerantonio le califatn’est pas seulement une entité politique,
    mais aussi un vecteur desalut. La propagande de l’État islamique fait
    régulièrement échoaux procédures d’allégeance (baya’a) qui ont cours
    parmi lesgroupes djihadistes à travers le monde.



    Cerantonio cite le Prophète quiaffirme que mourir sans avoir prêté
    allégeance revient à mourirignorant (jahil) et à avoir une mort de
    mécréant. “Vois commentles musulmans, (ou même les chrétiens sur cette
    question) imaginentDieu en train de s’occuper des âmes des gens qui
    sont mort sansrien apprendre de la vraie religion. Ils ne sont
    évidemment nisauvés ni formellement condamnés”.



    De la même manière, Cerantoniodit que le musulman qui ne reconnaît
    qu’un seul Dieu tout puissantet qui le prie, mais qui meurt sans avoir
    lui-même prêtéallégeance à un véritable calife, conformément aux
    obligations dela foi, aura échoué à vivre l’Islam pleinement.



    Je lui ai fait remarquer que celavoulait dire que la plus grande
    majorité des musulmans à traversl’Histoire, ainsi que tous ceux qui
    sont morts entre 1924 et 2014,sont morts comme des mécréants.
    Cerantonio opina gravement du chef.“J’irais même jusqu’à dire que
    l’Islam a été rétabli”par le califat.



    Je l’interroge sur sa propreallégeance, il me reprend aussitôt: “Je
    n’ai pas dit quej’avais prêté allégeance“, me rappelant que selon la
    loiaustralienne il était illégal de prêter allégeance à
    l’Étatislamique. “Mais je suis d’accord pour que [Baghdadi]
    satisfasseaux exigences” poursuit-il. “je vais juste te faire un clin
    d’œilet tu en déduiras ce que tu voudras“.



    Pour être calife, il fautsatisfaire à un certain nombre de conditions
    exposées dans la loisunnite – être un homme d’âge adulte descendant de
    la familledu Prophète (Quaraysh), être sain de corps et d’esprit,
    fairemontre de probité morale et posséder de l’autorité (‘amr).



    Ce dernier critère, déclareCerantonio, est le plus difficile à remplir
    et exige que le califeait un territoire sur lequel il puisse appliquer
    la loi islamique.C’est ce qu’a réalisé l’État islamique de Baghdadi
    bienavant le 29 juin, ajoute Cerantonio. Et aussitôt que ce fut fait,
    unOccidental converti – Cerantonio dit de lui qu’il possèdeles
    qualités d’un chef- commença à évoquer depuis les rangsl’obligation
    religieuse de déclarer le califat. Lui et lesautres en discutèrent
    avec les chefs et leur dirent que ce seraitpêcher que d’attendre plus
    longtemps.



    Cerantonio affirme même qu’unefaction aurait vu le jour pour faire la
    guerre à Baghdadi s’ildifférait davantage. Ils avaient préparé des
    courriers àdestination de plusieurs membres influents de l’EIIL,
    exprimantleur mécontentement sur l’absence de désignation d’un calife.



    Mais ils furent calmés parAdnani, le porte-parole, qui les mis dans la
    confidence qu’uncalifat avait déjà été proclamé, longtemps avant qu’en
    soitfaite l’annonce publique. Ils avaient leur calife légitime et
    dèslors, il n’y avait qu’une seule option. “S’il est légitime”raconte
    Cerantonio “vous devez lui prêter allégeance“.



    Après le sermon de juillet deBaghdadi, un grand nombre de djihadistes
    commencèrent à affluerchaque jour en Syrie avec une motivation
    renouvelée. JürgenTodenhöfer, un ancien homme politique et auteur
    allemand qui serendit dans l’État islamique au mois de décembre a
    dénombré,sur un poste de recrutement à la frontière turque, une
    centaine decombattants en seulement deux jours.



    Son récit, comme d’autres,suggère qu’un flot ininterrompu d’étrangers
    continue d’arriverdans le pire endroit au monde, prêts à tout
    abandonner pour obtenirun aller-simple vers le paradis.



    Une semaine avant mon déjeuneravec Cerantonio, j’avais rencontré à
    Londres trois anciensmembres d’un groupe islamiste dissout appelé “Al
    Muhajiroun”(les Emigrants). Anjem Choudary, Abu Baraa, et Abdul Muhid.
    Ilsavaient tous exprimé leur désir d’émigrer vers l’Étatislamique,
    comme beaucoup de leurs camarades l’avaient déjà fait,mais les
    autorités avaient confisqué leurs passeports.



    Comme Cerantonio, ils considèrentle califat comme le gouvernement le
    plus vertueux au monde, bienqu’aucun d’entre eux n’ait confessé avoir
    prêté allégeance.En me rencontrant, leur objectif était d’expliquer en
    quoiconsiste le califat et comment sa politique reflète la loi
    d'Allah.



    Choudary, âgé de 48 ans, estl’ancien dirigeant du groupe. Il apparaît
    fréquemment auxinformations sur les chaînes de télévision du câble, il
    est l’unedes quelques personnes que les producteurs peuvent faire
    interveniret qui défend avec véhémence l’État islamique jusqu’à ce
    quele micro lui soit coupé.



    Au Royaume-Uni il a uneréputation d’odieux fanfaron, mais comme ses
    disciples il croitsincèrement en l’État islamique et, en matière de
    doctrine, ils’exprime en son nom. Choudary et les autres sont
    éminemmentprésents dans le flux Twitter des habitants de l’État
    islamiqueet Abu Baraa entretient une chaîne YouTube pour répondre
    auxquestions relatives à la charia.



    Depuis le mois de septembre, lesautorités ont enquêté sur les trois
    hommes suspectés de soutenirle terrorisme. A cause de cette enquête,
    ils ont dû me rencontrerséparément. La communication entre eux aurait
    violé les conditionsde leur liberté sous caution. Mais en parlant avec
    eux, on croitparler à une seule et même personne qui porterait
    plusieursmasques.



    J’ai rencontré Choudary dansun magasin de bonbons d’Ilford dans la
    banlieue Est de Londres. Ilétait élégamment vêtu, une tunique
    bleue-marine impeccablecouvrant presque les chevilles, sirotant une
    canette de Red Bullpendant que nous marchions.



    Choudary me raconte qu’avantle califat “peut-être 85% des préceptes de
    la Sharia étaientabsents de nos vies”. “Ces lois étaient comme en
    suspens jusqu’àce que nous ayons un califat (Khilafa), et maintenant,
    nous en avonsun“.



    Sans califat, par exemple, enmatière de justice, il n’y a pas
    d’obligation à couper la maindes voleurs pris sur le fait.



    Mais la création d’un califatréveille soudainement ces lois ainsi que
    les nombreux textes detoutes leurs jurisprudences. En théorie, tous
    les musulmansont l’obligation d’émigrer vers la terre où le calife
    appliqueces lois. En novembre Abu Rumaysah, un hindouiste converti
    etfaisant partie des meilleurs étudiants de Choudary, a échappé àla
    police pour emmener sa famille de cinq personnes de Londres enSyrie.



    Le jour où j’ai rencontréChoudary, Abu Rumaysah avait tweeté une photo
    de lui tenant sonnouveau né d’un bras et une Kalashnikov de l’autre.
    Hashtag:#GenerationKhilafah.



    Le calife est tenu d’appliquerla Sharia.



    Le moindre manquement oblige ceuxqui lui ont prêté allégeance à l’en
    informer en privé et, dansles cas extrêmes, à l’excommunier et à le
    remplacer s’ilpersiste. (“j’ai été tourmenté par cette importante
    question,accablé par cette lourde responsabilité” a déclaré
    Baghdadidans son sermon). En retour, le calife exige l’obéissance –
    ceuxqui persistent à soutenir les gouvernements non-musulmans,
    aprèsavoir été dûment prévenus et avisés de leurs pêchés, ceux-làsont
    des apostats.



    Pour Choudary, la Sharia a étémal comprise à cause de son application
    incomplète par des régimestel que l’Arabie Saoudite où les meurtriers
    sont décapités etles voleurs amputés des mains. “Le problème est que
    dans les payscomme l’Arabie Saoudite, ils n’appliquent que le code
    pénal dela Sharia en oubliant les volets concernant la justice
    économique etsociale – le lot complet – Ils créent ainsi du
    ressentimentenvers la Sharia“. Ce lot complet, dit-il, inclut la
    gratuité pourtous du logement, de la nourriture, des vêtements et la
    possibilitépour ceux qui le souhaitent de s’enrichir par le travail.



    Abdul Muhid, 32 ans, est sur lamême ligne. Il était habillé à la mode
    moudjahidine lors de notreentretien dans un restaurant local. Barbe
    étroite, coiffe afghane etun porte-feuille sur ses vêtements attaché à
    la manière d’unholster d’épaule. Il était impatient d’évoquer le
    voletsocial.



    Les peines infligées concernantles crimes contre la morale (le fouet
    pour l’alcool et lafornication, la lapidation pour l’adultère) par
    l’Étatislamique peuvent avoir un aspect médiéval, mais son
    programmed’aide sociale, par certains côtés, fait preuve
    d’unprogressisme que ne renierait pas un ponte de MSNBC [chaîne du
    câbleNord Américain d'inspiration et à vocation socialiste - ndlr].



    Les soins médicaux sontgratuits, (“Ne le sont-ils pas aussi en Grande
    Bretagne ?”demandais-je. “Non, pas vraiment” dit il. Certains domaines
    nesont pas remboursés, comme les lunettes). Cette fourniture
    d’aidesociale n’était pas un choix politique délibéré de la part
    del’État islamique, précise t-il, mais constituait une
    obligationpolitique inhérente à la loi d'Allah.



    Anjem Choudary, le plus connu despartisans de l’État islamique, basé à
    Londres, précise que lacrucifixion et la décapitation sont des
    commandements religieux.



    III. L’Apocalypse



    Tous les musulmans admettent queseul Dieu connaît l‘avenir. Mais ils
    admettent également qu’ilnous a accordé un moyen de l’entrevoir grâce
    au Coran et auxparoles du Prophète. L’État islamique considère que
    l’originedivine de ces écritures et de ces récits tient une place
    centrale.En cela, il se distingue de presque tous les autres
    groupesdjihadistes du moment. C’est dans cet aspect des choses qu‘il
    estle plus audacieux par rapport à ses prédécesseurs, en donnant àsa
    mission une nature très clairement religieuse.



    Par Graeme Wood

    « LE MYTHE D'AL ANDALUS« État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 2/2 D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ? »

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