-
« État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 1
« État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 1/2 D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?
« État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » par Graeme Wood
Nous publions ici l’article d’un journaliste américain, Graeme Wood de la revue TheAtlantic, relatif aux objectifs et à la nature profonde du groupe l’État islamique.
L’État Islamique est sans conteste un ramassis de psychopathes. Mais
c’est aussi un groupe religieux avec des croyances très spécifiques,
parmi lesquelles la certitude de l’imminente fin des temps. Une
certitude qui imprègne fortement sa stratégie mais qui nous offre
également des pistes pour la mettre en échec.
D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?
La simplicité de ces questions peut être trompeuse, et il est probable
que seuls quelquesdirigeants occidentaux soient en mesure d’y
répondre.
Au mois de décembre, le New YorkTimes publiait des propos
confidentiels du général de divisionMichael K. Nagat, commandant des
opérations spéciales américaines pour le Moyen-Orient :
” Nous n’avons pas vaincul’idée… Nous ne l’avons même pas comprise“,
illustrant ses difficultés àseulement pouvoir donner du sens à l’appel
de l’État islamique.
Au cours de l’année écoulée,le président Obama l’a, quant à lui,
défini comme n’étant“pas islamique” (sic) ou encore l’a qualifié
“d’équipejunior” d’al-Qaeda.
Autant de déclarations quireflètent la confusion régnant à propos de
ce groupe, uneconfusion qui est sans doute à l’origine d’importantes
erreursstratégiques.
En juin dernier, le groupe s’estemparé de Mossoul, en Irak, et
contrôle depuis lors une zone plusétendue que le Royaume-Uni. Abu Bakr
al-Baghdadi est à sa têtedepuis mai 2010.
Jusqu’à l’été dernier, saplus récente image connue était celle d’une
photo de mauvaisequalité, prise par l’identité judiciaire américaine
au cours desa captivité au camp de Bucca, durant l’occupation de
l’Irak.
En apparaissant le 5 juilletdernier à la mosquée al-Nuri de Mossoul
pour y délivrer le sermondu Ramadan en tant que premier calife depuis
des lustres, il aréalisé une mise à jour haute définition de cette
image, enpassant du statut de rebelle pourchassé à celui de commandeur
detous les musulmans.
Depuis, on observe l’arrivéed’un flot continu et sans précédent de
djihadistes venant dumonde entier.
Notre méconnaissance de l’Étatislamique est, par certains côtés,
compréhensible: il s’agitd’un “Royaume ermite” où peu de gens se sont
rendus et d’oùpeu sont revenus. Baghdadi ne s’est exprimé qu’une seule
foisdevant une caméra. Mais les partisans du califat ont
œuvrépuissamment à la promotion de leur projet et son allocution
ainsique les encycliques et les autres innombrables vidéos de
propagandede l’État islamique se trouvent en ligne.
Leur étude nous permet d’endéduire que leur État rejette, par
principe, la paix, qu’il estgénocidaire, que ses opinions religieuses
le rendent par essenceincapable d’évoluer sur certains points, même si
sa survie devaiten dépendre, et qu’il se considère comme un élément
précurseur,et même un acteur majeur, de l’imminente fin du monde.
L’État islamique, égalementconnu sous le nom d’État islamique en Irak
et au Levant (EIIL),suit une version très particulière de l’Islam, où
les croyancesrelatives au jour du jugement dernier influencent
directement sastratégie.
Elles peuvent en cela aiderl’Occident à mieux le connaître à anticiper
ses actions.
L’avènement de sa puissances’apparente moins au succès des Frères
Musulmans en Égypte (ungroupe dont les dirigeants sont considérés
comme des apostats parl’EI) qu’à la réalisation d’une réalité
alternativedystopique où David Koresh ou encore Jim Jones auraient
survécu etoù ils exerceraient un pouvoir absolu, non sur quelques
centaines depersonnes, mais sur près de 8 millions.
Nous nous sommes trompés sur lanature de l’État islamique sur au-moins
deux points.
Tout d’abord, nous voyons ledjihadisme comme un bloc monolithique et
nous essayons d’appliquer,à une organisation qui a fermement éclipsé
al-Qaeda, la mêmelogique qu’à cette dernière. Les partisans de l’État
islamiqueavec qui j’ai discutés évoquent encore Ousama ben Laden sous
letitre honorifique de“Sheikh Ousama”.
Mais le djihadisme a évoluédepuis les grandes heures d’al-Qaeda, entre
1998 et 2003, et denombreux djihadistes dédaignent désormais les
priorités du groupeainsi que son actuel commandement.
Ben Laden considérait leterrorisme comme le prologue d’un califat
qu’il ne s’attendaitpas à voir de son vivant. Son organisation était
flexible, opérantcomme un réseau de cellules autonomes,
géographiquement dispersées.
L’État islamique, aucontraire, a besoin d’un territoire afin de
demeurer légitime etd’une structure verticale pour l’administrer.
(Son administration se divise enune branche civile et une branche
militaire et le territoire estscindé en provinces.)
Nous nous sommes égalementtrompés lorsqu’au moyen d’une campagne bien
intentionnée mais,malhonnête, nous avons nié la nature religieuse et
médiévale del’EI.
Peter Bergen, qui a réalisé lapremière interview de Ben Laden en 1997
avait intitulé son premierlivre “Guerre Sainte, Inc.” pour bien
marquer que Ben Laben étaitune créature du monde séculier actuel. Ben
Laden a transformé laterreur en entreprise et l’a franchisée. Il
exigeait desconcessions politiques telles que le retrait des forces
américainesd’Arabie Saoudite. Ses fantassins étaient à l’aise dans
lemonde moderne. Mohammed Atta a ainsi consacré la dernière journéede
son existence à faire du shopping chez Walmart et à dîner chezPizza
Hut.
Il est tentant de conserver cettevision selon laquelle les djihadistes
sont des gens modernes etséculiers, avec des préoccupations politiques
actuelles, arborantseulement des déguisements religieux médiévaux pour
faire en sorteque l’État islamique corresponde à cela.
En fait, nombre des actes dugroupe semblent absurdes, sauf à les
considérer attentivement à lalumière de son engagement à ramener la
civilisation dans sonenvironnement légal du VIIème siècle, pour
finalement provoquerl’apocalypse.
Les plus parlants sur cettequestion sont encore les autorités et les
militants de l’Étatislamique eux-mêmes. Leurs références aux
“modernes” sontdérisoires. Pendant les conversations, ils insistent
sur le faitqu’ils ne veulent pas – ne peuvent pas – s’écarter
depréceptes de gouvernance intégrés dans l’Islam par le
prophèteMohammed et ses premiers compagnons.
Ils utilisent souvent desformules codifiées, aux sonorités étranges et
surannées pour desnon-musulmans, mais qui se rapportent à des textes
et des usagesspécifiques aux premiers temps de l’Islam.
Pour prendre un exemple: au moisde septembre, Sheikh Abu Muhammad
al-Adnani, le porte-parole en chefde l’EI, a appelé les musulmans des
pays occidentaux, tels que laFrance et le Canada, à trouver un
infidèle et à “frapper sa têteà coup de pierre“, à l’empoisonner, à
lui rouler dessus avecune voiture“, ou à “détruire ses récoltes”.
Pour des oreilles occidentales,la juxtaposition de châtiments d’aspect
biblique, telles que lalapidation ou la destruction de récoltes avec
un appel au meurtre àl’aide d’une voiture résonne de manière étrange.
(Adnanin’hésite pas non plus à employer de simples métaphores
commelorsqu’il évoque le secrétaire d’État John Kerry en lequalifiant
de “vieillard incirconcis“).
Mais les mots d’Adnani nerelevaient pas du simple dérapage verbal. Ses
propos étaientparsemés de réflexions juridiques et théologiques et
sonexhortation à s’en prendre aux récoltes faisaient directementécho
aux commandements de Mohammed de ne toucher ni à l’eau, niaux récoltes
– à moins que les armées de l’islam ne soientplus sur la défensive,
auquel cas, les musulmans se trouvant sur laterre du “kouffar” , ou
infidèle, devaient être sans pitié etles empoisonner.
La réalité, c’est quel’État islamique est islamique. Très islamique.
Oui, il a attiré despsychopathes et des aventuriers, largement issus
des populationsinsatisfaites du Moyen-orient et d’Europe.
Mais la religion prêchée parses plus fervents adeptes provient
d’interprétations cohérenteset savantes de l’Islam.
Pratiquement toutes les décisionset lois majeures promulguées par
l’État islamique suivent cequ’il appelle, dans ses journaux, dans ses
déclarations et sur sesaffiches, sur ses plaques d’immatriculation,
ses imprimés ou sespièces de monnaie: “la voie du prophète”, ce qui
signifiesuivre le récit et l’exemple du Prophète, dans les
moindresdétails.
Les musulmans peuvent rejeterl’État islamique, quasiment tous le font.
Mais prétendre qu’iln’est pas réellement un groupe religieux,
millénariste, avec unethéologie qui doit être comprise pour être
combattue, a déjàconduit les États-Unis à le sous-estimer et à mettre
en œuvre desschémas insensés pour le contrer.
Nous aurons besoin de nousfamiliariser avec la généalogie
intellectuelle de l’EI si nousvoulons réagir d’une manière qui ne le
renforce pas, mais aucontraire, qui favorise son autodestruction sous
l’effet de sespropres excès de zèle.
Le contrôle d’un territoireest une condition essentielle pour affirmer
l’autorité de l’Étatislamique aux yeux de ses partisans.
Cette carte, inspirée destravaux de l’Institute for the Study of War,
représente au 15janvier les territoires tombés sous le contrôle du
califat ainsique les zones attaquées.
Partout où il est au pouvoir,l’État islamique collecte des taxes, fixe
les prix, rend lajustice et administre les services parmi lesquels les
soins médicaux,l’éducation et les télécommunications.
I. La Dévotion
En novembre, l’État islamiquea diffusé un publi-reportage faisant
remonter ses origines à BenLaden. Abu Musa’b al Zarqawi, le cruel chef
d’al-Qaeda en Irak de2003 jusqu’à sa mort en 2006, y est considéré
comme un géniteurplus récent. Deux autres chefs de guerre lui ont
succédé avantl’arrivée de Baghdadi, le calife. Ayman al Zawahiri, le
chirurgienophtalmologiste égyptien au look d’intellectuel, successeur
de BenLaden à la tête d’al-Qaeda, n’y est pas mentionné.
Zawahiri n’a pas prêtéallégeance à Baghdadi et il est de plus en plus
détesté par sescamarades djihadistes. Son absence de charisme aggrave
son isolement.Dans les vidéos, il apparaît biaiseux et ennuyeux. Mais
la scissionentre al-Qaeda et l’État islamique a mis du temps à
seconcrétiser et elle explique en partie la soif de sang hors norme
dece dernier.
Le religieux jordanien AbuMuhammad al Maqdisi, compagnon de Zawahiri,
est lui aussi isolé. A55 ans, il peut se targuer d’être l’architecte
d’al-Qaeda etle plus important des djihadistes méconnus du lectorat
moyen dejournaux américains. Sur la plupart des questions en matière
dedoctrine, Maqdisi et l’EI sont d’accord.
Tous deux appartiennent à labranche djihadiste du sunnisme appelée
Salafisme, dans les pas “d’alSalaf al Salih”, les “pieux ancêtres”.
Ces derniers ne sontautres que le Prophète lui-même et ses premiers
partisans, que lessalafistes honorent et prennent en modèle sur tous
les aspects de lavie, que ce soit pour faire la guerre, pour coudre,
pour organiser lavie de famille et même pour les soins dentaires.
Maqdisi a formé Zarqawi, cedernier a fait la guerre en Irak grâce aux
conseils du vieil homme.Avec le temps, son fanatisme a dépassé celui
de son mentor qui luien a finalement fait le reproche. En cause, le
goût de Zarqawi pourles mises en scènes sanglantes et, sur le plan
doctrinal, la hainequ’il nourrissait envers les autres musulmans et
qui l’amenait àles excommunier et à les tuer.
Dans l’Islam, la pratique du“takfir”, l’excommunication, est
théologiquement périlleuse.“Si un homme dit à son frère – tu es un
infidèle -” leProphète affirme alors “que l’un des deux est dans le
vrai.“Si l’accusateur se trompe, ses fausses accusations font de lui
unapostat. La punition pour l’apostasie est la mort. Et Zarqawi
aétendu de manière inconsidérée l’éventail des comportementsjugés
“infidèles” pour les musulmans.
Maqdisi a écrit à son ancienélève qu’il devait faire preuve de
prudence et “ne pas lancerd’excommunications généralisées” ou
“déclarer les genscomme apostats à cause de leurs pêchés“. La
distinction entre unapostat et un pêcheur peut paraître subtile, mais
c’est un pointde désaccord essentiel entre al-Qaeada et l’EI.
Dénier au Coran et aux récitsde Mohammed leur caractère sacré relève
clairement de l’apostasie.Mais Zarqawi et l’État qu’il a engendré
considèrent qu’ilexiste beaucoup d’autres actes susceptibles de sortir
un musulmandu cadre de l’Islam. Ceci inclut la vente d’alcool ou de
drogue,le port de vêtements occidentaux, le fait de se raser la barbe,
devoter à des élections même si c’est pour un candidat musulman,ou
encore d’être trop peu regardant sur l’apostasie des autres.
Être chiite, comme c’est lecas pour beaucoup d’Arabes irakiens, entre
bien sûr dans cettecatégorie. En effet, l’EI conçoit le chiisme comme
une nouveauté,et innover en matière de Coran, cela équivaut à remettre
en causesa perfection originelle. (L’EI déclare que les
pratiquescourantes du chiisme telles que l’adoration des mausolées
d’imamsou les auto-flagellations publiques ne se fondent sur aucune
baseissue du Coran ou de la vie du Prophète).
Cela signifie qu’environs 200millions de chiites sont voués à la mort.
Sont également concernéstous les chefs d’États musulmans qui ont élevé
la loi des hommesau-dessus de la Sharia voulue par Allah, en imposant
le respect detextes profanes.
Suivant la doctrine “takfiri”,l’État islamique est déterminé à
purifier le monde en tuant ungrand nombre de personnes. Il est
difficile de connaître l’étendueexacte des massacres perpétrés dans
ces territoires en raison dumanque de rapports objectifs qui en
émanent, mais les messagespostés sur les médias sociaux de la région
laissent penser que lesexécutions individuelles s’opèrent de manière
plus ou moinscontinue et qu’il y a des exécutions de masse tous les 15
jours.
Les musulmans “apostats” sontles victimes les plus courantes. Les
chrétiens, à condition de nepas s’opposer à ce nouveau gouvernant, ne
font pas l’objetd’exécutions systématiques. Baghdadi les laisse vivre
àcondition qu’ils payent une taxe spéciale connue sous le nom
de“jizya” et reconnaissent leur sujétion.
Il s’agit là d’une pratiquecoranique qui ne fait pas débat.
En Europe cela fait des sièclesque les guerres de religion ont cessé
et que les hommes ne meurentplus en grand nombre pour cause de
différents théologiques. C’estpeut-être la raison pour laquelle les
Occidentaux ont accueilli avecun tel déni et une telle incrédulité les
informations relativesaux croyances et aux pratiques de l’État
islamique. Beaucouprefusent de croire que ce groupe soit aussi dévot
qu’il le prétendou aussi rétrograde et apocalyptique que le laissent
entendre sesdéclarations et ses actes.
Leur scepticisme estcompréhensible. Par le passé, les Occidentaux
accusaient lesmusulmans de suivre aveuglément les anciennes écritures,
ce quiaffligeait certains universitaires. Chez ces universitaires,
comme ledéfunt Edward Saïd, la manière occidentale de présenter
leschoses ne constitue jamais qu’une autre manière de dénigrer
lesmusulmans.
Ces universitaires exhortent àplutôt se pencher sur les conditions
d’émergence de cesidéologies : mauvaises gouvernances, changements des
mœurssociales, humiliation de vivre sur des terres estimées pour
leurseule valeur pétrolifère.
Aucune hypothèse expliquantl’avènement de l’État islamique ne saurait
être complète sansla prise en considération de ces facteurs. A
contrario, seconcentrer uniquement sur ces derniers, sans prendre en
comptel’idéologie, relève d’une autre forme de partialitéoccidentale :
si l’idéologie religieuse ne compte pas beaucoup àWashington ou à
Berlin, c’est au contraire bien le cas à Mossoulou à Raqqa…
Lorsqu’un bourreau masqué dit”Allahu akbar” tout en décapitant un
apostat, il arrive,parfois, qu’il le fasse pour des motifs religieux.
Beaucoup d’organisationsmusulmanes “mainstream” agissent en ce sens,
affirmant que l’Étatislamique est, en fait, non-islamique. Il est bien
sûr rassurant desavoir que la grande majorité des musulmans ne voit
aucun intérêtà remplacer les films Hollywoodiens par les vidéos
d’exécutionspubliques en guise de divertissements hebdomadaires.
Mais, comme me le confiaitl’universitaire Bernard Haykel, directeur de
recherche dudépartement de théologie à l’université de Princeton,
lesmusulmans qui nient le caractère islamique de l’État du mêmenom,
sont généralement “gênés et politiquement corrects, ayantune vision
angélique de leur propre religion“.
Une vision qui néglige “toutce que leur religion a exigé tant sur le
plan historique quejuridique“. « Nombre de négateurs de la nature
religieuse del’État islamique sont, m’a t-il dit, enracinés dans
une“tradition chrétienne inter-religieuse absurde“.
Tous les universitaires que j’aipu interroger à propos de l’idéologie
de l’État islamiquem’ont renvoyé vers Haykel. A moitié Libanais,
Haykel a grandi auLiban et aux États-Unis et lorsqu’il s’exprime
derrière sonbouc à la Méphistophélès, il a une pointe d’accent
étrangerindéfinissable.
Selon Haykel, les rangs de l’Étatislamique sont profondément imprégnés
d’une ferveur religieuse.Les citations coraniques sont omniprésentes.
“Même les fantassinsen débitent sans arrêt” dit-il. “Ils empoignent
leurs caméraset répètent leur doctrine de base de façon mécanique, et
ils fontça tout le temps“.
Il considère les déclarationsselon lesquelles l’État islamique aurait
déformé les textes del’Islam comme grotesques et n’étant soutenues que
par uneignorance délibérée.
“Les gens veulent absoudrel’Islam” dit-il, “à lamanière d’un mantra :
l’islam est une religion depaix. Comme s’il y avait une telle chose
dans l’Islam! C’estce que font les musulmans et la manière dont ils
interprètent leurstextes. Ces textes sont partagés par tous les
musulmans sunnites,pas juste par ceux de l’État islamique. Et ces
types sont doncaussi légitimes à le faire que n’importe qui d’autre.“
Tous les musulmans reconnaissentque les premières conquêtes de Mahomet
ne furent pas un long fleuvetranquille, que le Coran est imprégné des
lois de la guerre et queles règles conduisant la vie du Prophète ont
été calibrées pourrépondre à des temps troublés et violents. Selon
l’hypothèse deHaykel, les combattants de l’État islamique sont
véritablementfigés aux temps de l’islam des origines dont ils
reproduisentpieusement les standards guerriers.
Ce comportement inclut un certainnombre de pratiques que les musulmans
actuels préfèrent ne pasreconnaître comme faisant intégralement
parties de leurs textessacrés. Mais ”esclavage, crucifixions et
décapitations ne sontpas des actes que les djihadistes sont allés
chercher dans la seuletradition médiévale”[mais bien dans le coran
NDT]. Lessoldats de l’État islamique sont “en plein dans la
traditionmédiévale et ils la font ressurgir à grande échelle dans le
tempsprésent.“
Le Coran précise ainsi que lacrucifixion constitue le seul châtiment
autorisé pour les ennemisde l’Islam. La taxe sur les chrétiens trouve
son fondementdans le Surah Al-Tawba, le neuvième chapitre du Coran,
qui enseigneaux musulmans qu’il faut combattre les chrétiens et les
juifs“jusqu’à ce qu’ils payent la jizya en acceptant leursoumission et
se tiennent tranquilles“. Le Prophète, que toutmusulman considère
comme un exemple, a imposé ces règles etpossédait des esclaves.
Les dirigeants de l’Étatislamique se sont mis en devoir de s’inspirer
strictement deMahomet et ont fait ressurgir des traditions qui étaient
endormiesdepuis des centaines d’années. “Ce qui est frappant chez eux,
cen’est pas seulement leur interprétation littérale, mais aussi
lesérieux avec lequel ils lisent les textes” dit Haykel. “Il y alà une
assiduité, une gravité obsessionnelle que les musulmans nepossèdent
pas normalement“.
Avant l’émergence de l’Étatislamique, le seul groupe ayant tenté de
suivre durant les 200dernières années le modèle prophétique avec une
fidélité aussiradicale était les Wahabites du XVIIIe siècle en Arabie.
Ilss’emparèrent de ce qui constitue aujourd’hui une grande part
del’Arabie Saoudite où l’héritage de leur stricte pratiques’observe
encore dans une version édulcorée de la Sharia.
Haykel note une différenceimportante entre les deux groupes : “La
violence des Wahabitesn’était pas débridée. Ils étaient entourés
d’autresmusulmans et ils ont conquis des terres qui étaient
déjàislamiques, ce qui retenait leur bras.
L’EIIL, au contraire, revitpleinement “l’Islam des origines“. Les
premiers musulmansétaient encerclés par les non-musulmans, et l’État
islamique, auregard de sa tendance à l’excommunication, se considère
dans lamême situation.
Si al-Qaeda voulait réhabiliterl’esclavage, il ne l’a jamais dit. Et
d’ailleurs pourquoil’aurait-il fait? Le silence sur l’esclavage est
probablement lereflet d’une pensée stratégique qui vise à s’attirer
lasympathie du public. Lorsque l’État islamique a commencé àréduire
des gens en esclavage, certains de ses partisans ont tiqué.Néanmoins,
le califat a continué à pratiquer l’esclavage etla crucifixion sans
hésitation.
“Nous conquerrons votreRome, briserons vos croix et prendrons vos
femmes comme esclaves”a promis leur porte-parole Adnani lors de ses
fréquentesdéclarations d’amour à l’Occident. “Si nous n’avons pasassez
de temps pour y parvenir, alors nos enfants et petits-enfants
yparviendront et ils vendront vos fils sur les marchés auxesclaves“.
Au mois d’octobre Dabiq, lemagazine de l’État islamique, publiait un
article intitulé “Leretour de l’esclavage avant l’Heure‘, le sujet
était de savoirsi les Yazidis (les membres d’une secte kurde
ancestrale quiemprunte des éléments à l’Islam et qui a été attaquée
par lesforces de l’État islamique dans le Nord-Est de l’Irak)
étaientdes musulmans dévoyés et donc voués à la mort, ou seulement
despaïens et, en cela, bons pour l’esclavage.
Un groupe de travail d’éruditsde l’État islamique a été mandaté par le
gouvernement pourtraiter cette question. S’ils sont païens, écrit
l’auteuranonyme de l’article :
“Les femmes et les enfantsyazidis doivent être partagés, conformément
à la Sharia, entreles combattants de l’État islamique ayant participé
auxopérations du mont Sinjar (dans le Nord-Est de l’Irak).
…Réduire en esclavage lesfamilles des infidèles (kouffars) et prendre
leurs femmes commeconcubines constitue un aspect clairement établi de
la Sharia etquiconque le contesterait ou le moquerait, de fait,
contesteraitou moquerait les versets du Coran et les paroles du
Prophète… Etil serait exclu de l’Islam comme apostat”.
II. Territoire
Le nombre de musulmans étrangersayant émigré vers l’État islamique est
estimé à plusieursdizaines de milliers. Les recrues viennent de
France, du Royaume-Uni,de Belgique, d’Allemagne, de Hollande,
d’Autriche, d’Indonésie,des États-Unis et de bien d’autres pays.
Beaucoup sont venus pourcombattre, et beaucoup entendent y mourir.
Peter R Neumann, professeur auKing’s College de Londres, m’a affirmé
que les discussions enligne jouent un rôle essentiel pour la diffusion
de la propagande etpour s’assurer que les nouveaux venus savent ce
qu’il fautcroire.
Le recrutement par internet aégalement contribué à élargir la
démographie de la communautédjihadiste, en permettant à des musulmanes
conservatrices -nequittant pas leur domicile- d’entrer en contact avec
desrecruteurs, de se radicaliser et d’organiser leur voyage en
Syrie.Grâce à ces appels vers les deux sexes, l’État islamique
espèreconstruire une société à part entière.
Au mois de novembre, je me suisrendu en Australie pour rencontrer Musa
Cerantonio, un homme âgéd’une trentaine d’années que Neumann et
d’autres chercheursavaient identifié comme une des deux plus
importantes “autoritésspirituelles” pour ce qui est d’inciter les
étrangers àrejoindre l’État islamique.
Il y 3 ans, il étaittélé-prédicateur au Caire sur Iqraa TV, il a
quitté la chaînelorsque celle-ci lui a reproché ses fréquents appels à
établir uncalifat. Il prêche désormais sur Twitter et sur Facebook.
Cerantonio – un grand gaillardavenant aux allures d’intello – m’a
affirmé pâlir à la vuedes vidéos de décapitation. Il déteste les
scènes de violence,même si le soutien à l’État islamique exige de les
endurer. (Ilse prononce contre les attentats suicides, à
contre-courant desautres djihadistes, au motif que Dieu interdit le
suicide; il sedifférencie également de l’État islamique sur
d’autrespoints).
Les cheveux en bataille à lamanière de certains fans hirsutes du
Seigneur des Anneaux, sonobsession pour la fin des temps islamiques
apparaît coutumière. Ilsemble surgir tout droit d’un drame qui, vue de
l’extérieur,ressemble à un roman médiéval fantastique, mais où le sang
coulepour de vrai.
En juin dernier, Cerantonio et safemme ont essayé d’émigrer – il n’a
pas voulu dire où (“ilest illégal d’aller en Syrie“, dit-il
prudemment) – mais ilsont été interceptés aux Philippines, puis son
visa ayant expiréil a été reconduit en Australie. L’Australie a
criminalisé lefait de vouloir rejoindre l’État islamique et il lui a
confisquéson passeport.
Il est coincé à Melbourne, oùil est bien connu des services de police
locaux. Si Cerantonio sefaisait prendre à aider des individus dans
leur voyage vers l’ÉtatIslamique, il serait emprisonné. Toutefois,
jusque là, il est libre– un idéologue sans affiliation technique, qui
s’exprimenéanmoins et dont l’opinion sur les sujets doctrinaux
relatifs àl’État islamique font référence auprès des autres
djihadistes.
Nous nous sommes retrouvés pourun déjeuner, à Footscray, une banlieue
dense et multiculturelle deMelbourne comme le décrit le guide de
voyage Lonely Planet.Cerantonio a grandi ici, dans une famille
irlando-calabraise. Desrues typiques où on trouve des restaurants
africains, des boutiquesvietnamiennes et où de jeunes arabes vont et
viennent en tenue desalafiste, la barbe étroite, la chemise longue et
le pantalon surles mollets.
Cerantonio m’a relaté toute lajoie qu’il a ressentie lorsque Baghdadi
a été déclaré calife le29 juin et la soudaine attirance que la
Mésopotamie a dès lorsexercé sur lui et ses amis. “J’étais dans un
hôtel [auxPhilippines], j’ai suivi la déclaration à la
télévision,j’étais vraiment épaté, à me demander pourquoi
j’étaiscoincé ici dans cette p**** de chambre ?“.
Le dernier califat remonte àl’empire Ottoman qui a atteint son apogée
au XVIe siècle avant deconnaître un long déclin, jusque à ce que
Mustafa Kemal Atatürk,le fondateur de la République de Turquie ne lui
porte le coup degrâce en 1924.
Mais Cerantonio, comme beaucoupde partisans de l’État islamique, ne
reconnaît aucune légitimitéà ce califat car il n’a pas pleinement
appliqué la loi islamiquequi exige les lapidations, l’esclavage et les
amputations, maisaussi parce que ses califes ne descendaient pas de la
famille duProphète, les Quraysh.
Baghdadi a longuement évoquél’importance du califat au cours de son
sermon de Mossoul. Il aaffirmé que redonner vie aux institutions du
califat – qui n’ontpas fonctionné autrement que de nom durant près de
1000 ans –constituait une obligation commune. Lui et ses fidèles
avaient“précipité la déclaration du califat et placé un imam à
satête”.
“C’est un devoir qui s’imposeaux musulmans – un devoir qui s’était
perdu pendant dessiècles…vouant les musulmans au pêché, mais qu’ils se
devaientde le rechercher pour le rétablir“. Comme Ben Laden avant
lui,Baghdadi parle avec emphase, usant d’allusions scripturales
etrecourant aux techniques oratoires classiques. Mais à la
différencede ce dernier et des faux califes de l’empire Ottoman, il
est unQurayshi.
D’après Cerantonio le califatn’est pas seulement une entité politique,
mais aussi un vecteur desalut. La propagande de l’État islamique fait
régulièrement échoaux procédures d’allégeance (baya’a) qui ont cours
parmi lesgroupes djihadistes à travers le monde.
Cerantonio cite le Prophète quiaffirme que mourir sans avoir prêté
allégeance revient à mourirignorant (jahil) et à avoir une mort de
mécréant. “Vois commentles musulmans, (ou même les chrétiens sur cette
question) imaginentDieu en train de s’occuper des âmes des gens qui
sont mort sansrien apprendre de la vraie religion. Ils ne sont
évidemment nisauvés ni formellement condamnés”.
De la même manière, Cerantoniodit que le musulman qui ne reconnaît
qu’un seul Dieu tout puissantet qui le prie, mais qui meurt sans avoir
lui-même prêtéallégeance à un véritable calife, conformément aux
obligations dela foi, aura échoué à vivre l’Islam pleinement.
Je lui ai fait remarquer que celavoulait dire que la plus grande
majorité des musulmans à traversl’Histoire, ainsi que tous ceux qui
sont morts entre 1924 et 2014,sont morts comme des mécréants.
Cerantonio opina gravement du chef.“J’irais même jusqu’à dire que
l’Islam a été rétabli”par le califat.
Je l’interroge sur sa propreallégeance, il me reprend aussitôt: “Je
n’ai pas dit quej’avais prêté allégeance“, me rappelant que selon la
loiaustralienne il était illégal de prêter allégeance à
l’Étatislamique. “Mais je suis d’accord pour que [Baghdadi]
satisfasseaux exigences” poursuit-il. “je vais juste te faire un clin
d’œilet tu en déduiras ce que tu voudras“.
Pour être calife, il fautsatisfaire à un certain nombre de conditions
exposées dans la loisunnite – être un homme d’âge adulte descendant de
la familledu Prophète (Quaraysh), être sain de corps et d’esprit,
fairemontre de probité morale et posséder de l’autorité (‘amr).
Ce dernier critère, déclareCerantonio, est le plus difficile à remplir
et exige que le califeait un territoire sur lequel il puisse appliquer
la loi islamique.C’est ce qu’a réalisé l’État islamique de Baghdadi
bienavant le 29 juin, ajoute Cerantonio. Et aussitôt que ce fut fait,
unOccidental converti – Cerantonio dit de lui qu’il possèdeles
qualités d’un chef- commença à évoquer depuis les rangsl’obligation
religieuse de déclarer le califat. Lui et lesautres en discutèrent
avec les chefs et leur dirent que ce seraitpêcher que d’attendre plus
longtemps.
Cerantonio affirme même qu’unefaction aurait vu le jour pour faire la
guerre à Baghdadi s’ildifférait davantage. Ils avaient préparé des
courriers àdestination de plusieurs membres influents de l’EIIL,
exprimantleur mécontentement sur l’absence de désignation d’un calife.
Mais ils furent calmés parAdnani, le porte-parole, qui les mis dans la
confidence qu’uncalifat avait déjà été proclamé, longtemps avant qu’en
soitfaite l’annonce publique. Ils avaient leur calife légitime et
dèslors, il n’y avait qu’une seule option. “S’il est légitime”raconte
Cerantonio “vous devez lui prêter allégeance“.
Après le sermon de juillet deBaghdadi, un grand nombre de djihadistes
commencèrent à affluerchaque jour en Syrie avec une motivation
renouvelée. JürgenTodenhöfer, un ancien homme politique et auteur
allemand qui serendit dans l’État islamique au mois de décembre a
dénombré,sur un poste de recrutement à la frontière turque, une
centaine decombattants en seulement deux jours.
Son récit, comme d’autres,suggère qu’un flot ininterrompu d’étrangers
continue d’arriverdans le pire endroit au monde, prêts à tout
abandonner pour obtenirun aller-simple vers le paradis.
Une semaine avant mon déjeuneravec Cerantonio, j’avais rencontré à
Londres trois anciensmembres d’un groupe islamiste dissout appelé “Al
Muhajiroun”(les Emigrants). Anjem Choudary, Abu Baraa, et Abdul Muhid.
Ilsavaient tous exprimé leur désir d’émigrer vers l’Étatislamique,
comme beaucoup de leurs camarades l’avaient déjà fait,mais les
autorités avaient confisqué leurs passeports.
Comme Cerantonio, ils considèrentle califat comme le gouvernement le
plus vertueux au monde, bienqu’aucun d’entre eux n’ait confessé avoir
prêté allégeance.En me rencontrant, leur objectif était d’expliquer en
quoiconsiste le califat et comment sa politique reflète la loi
d'Allah.
Choudary, âgé de 48 ans, estl’ancien dirigeant du groupe. Il apparaît
fréquemment auxinformations sur les chaînes de télévision du câble, il
est l’unedes quelques personnes que les producteurs peuvent faire
interveniret qui défend avec véhémence l’État islamique jusqu’à ce
quele micro lui soit coupé.
Au Royaume-Uni il a uneréputation d’odieux fanfaron, mais comme ses
disciples il croitsincèrement en l’État islamique et, en matière de
doctrine, ils’exprime en son nom. Choudary et les autres sont
éminemmentprésents dans le flux Twitter des habitants de l’État
islamiqueet Abu Baraa entretient une chaîne YouTube pour répondre
auxquestions relatives à la charia.
Depuis le mois de septembre, lesautorités ont enquêté sur les trois
hommes suspectés de soutenirle terrorisme. A cause de cette enquête,
ils ont dû me rencontrerséparément. La communication entre eux aurait
violé les conditionsde leur liberté sous caution. Mais en parlant avec
eux, on croitparler à une seule et même personne qui porterait
plusieursmasques.
J’ai rencontré Choudary dansun magasin de bonbons d’Ilford dans la
banlieue Est de Londres. Ilétait élégamment vêtu, une tunique
bleue-marine impeccablecouvrant presque les chevilles, sirotant une
canette de Red Bullpendant que nous marchions.
Choudary me raconte qu’avantle califat “peut-être 85% des préceptes de
la Sharia étaientabsents de nos vies”. “Ces lois étaient comme en
suspens jusqu’àce que nous ayons un califat (Khilafa), et maintenant,
nous en avonsun“.
Sans califat, par exemple, enmatière de justice, il n’y a pas
d’obligation à couper la maindes voleurs pris sur le fait.
Mais la création d’un califatréveille soudainement ces lois ainsi que
les nombreux textes detoutes leurs jurisprudences. En théorie, tous
les musulmansont l’obligation d’émigrer vers la terre où le calife
appliqueces lois. En novembre Abu Rumaysah, un hindouiste converti
etfaisant partie des meilleurs étudiants de Choudary, a échappé àla
police pour emmener sa famille de cinq personnes de Londres enSyrie.
Le jour où j’ai rencontréChoudary, Abu Rumaysah avait tweeté une photo
de lui tenant sonnouveau né d’un bras et une Kalashnikov de l’autre.
Hashtag:#GenerationKhilafah.
Le calife est tenu d’appliquerla Sharia.
Le moindre manquement oblige ceuxqui lui ont prêté allégeance à l’en
informer en privé et, dansles cas extrêmes, à l’excommunier et à le
remplacer s’ilpersiste. (“j’ai été tourmenté par cette importante
question,accablé par cette lourde responsabilité” a déclaré
Baghdadidans son sermon). En retour, le calife exige l’obéissance –
ceuxqui persistent à soutenir les gouvernements non-musulmans,
aprèsavoir été dûment prévenus et avisés de leurs pêchés, ceux-làsont
des apostats.
Pour Choudary, la Sharia a étémal comprise à cause de son application
incomplète par des régimestel que l’Arabie Saoudite où les meurtriers
sont décapités etles voleurs amputés des mains. “Le problème est que
dans les payscomme l’Arabie Saoudite, ils n’appliquent que le code
pénal dela Sharia en oubliant les volets concernant la justice
économique etsociale – le lot complet – Ils créent ainsi du
ressentimentenvers la Sharia“. Ce lot complet, dit-il, inclut la
gratuité pourtous du logement, de la nourriture, des vêtements et la
possibilitépour ceux qui le souhaitent de s’enrichir par le travail.
Abdul Muhid, 32 ans, est sur lamême ligne. Il était habillé à la mode
moudjahidine lors de notreentretien dans un restaurant local. Barbe
étroite, coiffe afghane etun porte-feuille sur ses vêtements attaché à
la manière d’unholster d’épaule. Il était impatient d’évoquer le
voletsocial.
Les peines infligées concernantles crimes contre la morale (le fouet
pour l’alcool et lafornication, la lapidation pour l’adultère) par
l’Étatislamique peuvent avoir un aspect médiéval, mais son
programmed’aide sociale, par certains côtés, fait preuve
d’unprogressisme que ne renierait pas un ponte de MSNBC [chaîne du
câbleNord Américain d'inspiration et à vocation socialiste - ndlr].
Les soins médicaux sontgratuits, (“Ne le sont-ils pas aussi en Grande
Bretagne ?”demandais-je. “Non, pas vraiment” dit il. Certains domaines
nesont pas remboursés, comme les lunettes). Cette fourniture
d’aidesociale n’était pas un choix politique délibéré de la part
del’État islamique, précise t-il, mais constituait une
obligationpolitique inhérente à la loi d'Allah.
Anjem Choudary, le plus connu despartisans de l’État islamique, basé à
Londres, précise que lacrucifixion et la décapitation sont des
commandements religieux.
III. L’Apocalypse
Tous les musulmans admettent queseul Dieu connaît l‘avenir. Mais ils
admettent également qu’ilnous a accordé un moyen de l’entrevoir grâce
au Coran et auxparoles du Prophète. L’État islamique considère que
l’originedivine de ces écritures et de ces récits tient une place
centrale.En cela, il se distingue de presque tous les autres
groupesdjihadistes du moment. C’est dans cet aspect des choses qu‘il
estle plus audacieux par rapport à ses prédécesseurs, en donnant àsa
mission une nature très clairement religieuse.
Par Graeme Wood« LE MYTHE D'AL ANDALUS« État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 2/2 D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ? »
-
Commentaires