• Hadiths


    Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

    D'après Abou Sa'id Al Khoudri (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit : « Le musc fait partie de vos meilleurs parfums ».
    (Rapporté par Nasai et authentifié par Cheikh Albani dans Sahih Al Jami n°5914)


    عن أبي سعيد الخدري رضي الله عنه قال النبي صلى الله عليه و سلم : من خير طيبكم المسك
    (رواه النسائي و صححه الشيخ الألباني في صحيح الجامع رقم ٥٩١٤)
    =============================================================================
    D'après Zayd Ibn Thabit (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière  d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit : « Ô Touba pour le Cham (*),  Ô Touba pour le Cham, Ô Touba pour le Cham !
    Ils ont dit : Ô Messager d'Allah ! Pourquoi cela ?
    Le Prophète (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit : «  Voici les anges du Miséricordieux qui étendent leurs ailes sur le Cham  ».
    (Rapporté par Tirmidhi dans ses Sounan n°3954 qui  l'a authentifié et il a également été authentifié par Cheikh Albani dans  sa correction de Sounan Tirmidhi)

    (*) Le mot Touba utilisé ici est un mot qui signifie le bien abondant.
    Le cham est une région qui comprend aujourd'hui la Palestine, la Syrie, la Jordanie...


    عن زيد بن ثابت رضي الله عنه قال رسول الله صلى الله عليه وسلم : يا طوبَى للشَّامِ يا طوبَى للشَّامِ يا طوبَى للشَّامِ
    قالوا : يا رسولَ ! وبم ذلك ؟
    قال رسول الله صلى الله عليه وسلم : تلك ملائكةُ الرحمن باسطوا أجنحتِها على الشَّامِ

    =========

     

    Protégez vous du feu !
     
    Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

    D'après 'Adi Ibn Hatim (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit : « Protégez vous du feu ! ».
    Puis il s'est écarté alors il a dit : « Protégez vous du feu ! ».
    Puis il s'est écarté au point où nous avons pensé qu'il regardait le feu puis il a dit : « Protégez vous du feu ne serait-ce qu'avec la moitié d'une datte (*) et celui qui ne trouve pas alors avec une bonne parole ».
    (Rapporté par Boukhari dans son Sahih n°6540 et Mouslim dans son Sahih n°1016)

    (*) C'est à dire en la donnant en aumône.


    عن عدي بن حاتم رضي الله عنه قال رسول الله صلى الله عليه وسلم : اتقوا النار
    ثم أعرض وأشاح ثم قال : اتقوا النار
    ثم أعرض وأشاح حتى ظننا أنه ينظر إليها ثم قال : اتقوا النار ولو بشق تمرة فمن لم يجد فبكلمة طيبة
    (رواه البخاري في صحيحه رقم ٦٥٤٠ و مسلم في صحيحه رقم ١٠١٦

     D'après Salman Ibn Amir (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit : « Certes l'aumône en faveur d'un pauvre est une aumône et elle est pour un proche deux choses: aumône et resserrement des liens de parenté ».
    (Rapporté par Nasai dans ses Sounan n°2582 et authentifié par Cheikh Albani dans sa correction de Sounan Nasai)


    عن سلمان بن عامر رضي الله عنه قال رسول الله صلى الله عليه و سلم : إن الصدقة على المسكين صدقة و هي على ذي الرحم اثنتان : صدقة و صلة
    (رواه النسائي في سننه رقم ٢٥٨٢ و صححه الشيخ الألباني في تحقيق سنن النسائي

     


    votre commentaire
  • LE MYTHE D'AL ANDALUS

    Voici une idée reçue, un mythe que les islamophiles en tous genres nous ressortent pour démontrer que l’islam serait une religion de paix, de tolérance et de libertés, et que la période andalouse aurait été un âge d’or de l’islam et de la civilisation européenne.Voici quelques éléments factuels pour comprendre que ce maigre contre-exemple n’en est même pas un.

    1- Toujours le même contre-exemple

    Bizarrement, sur 1400 ans d’histoire, les musulmans n’auraient pas d’autres lieux géographiques, ni d’autres périodes historiques, qui prouveraient que l’islam élève l’humanité.

    2- Comme toutes les exceptions, elle confirme la règle

    En l’occurrence la règle de l’islam dominant est toujours la même : soumission, discrimination, violence, pression conformiste du groupe sur l’individu qui n’existe quasiment pas, pauvreté, inégalité homme-femme, absence de laïcité, etc. etc.

    3- Esclaves et dhimmis

    L’Andalousie n’était en rien un modèle, les non-musulmans étant soumis au statut de “dhimmi” (avec des droits inférieurs et spécifiques).

    L’esclavage avait cours en Espagne sous le règne des musulmans (esclavage de chrétiens), par ailleurs on décompte 150 batailles des chrétiens contre les musulmans sur la période Al Andalus. Et le statut de dhimmis était en vigueur pour les non-musulmans, par exemple les chrétiens n’avaient pas le droit de porter une épée, ni de monter à cheval, mais ils devaient porter un habit les rendant reconnaissables parmi tous les autres (ça ne vous rappelle rien) ?

    “L’histoire de l’Andalousie musulmane est mal connue, et cette terre médiévale n’a pas échappé aux dures réalités de son temps, notamment l’esclavage et la traite des chrétiens par les autorités califales.” [1]

    4- Et la Reconquista ?

    On peut se demander pourquoi il y eut la Reconquista, qui renvoya les musulmans de là où ils venaient, si l’islam était si apprécié en Espagne à cette époque.

    5- Des savants maltraités

    “En ces siècles réputés obscurs, l’Andalousie aurait été un moment et un lieu lumineux, une sorte de forum libéral et intellectuel, où les cultures monothéistes auraient échangé autour de grandes figures tutélaires : le penseur juif Maïmonide, ou le médecin musulman aristotélicien Averroès. Sans dénier l’œuvre bien réelle de ces savants, rappelons que les œuvres de ce dernier ont été brûlées pas le calife almohade Yacoub El Mansour (1184-1199), avant qu’il ne ferme la porte de l’ijtihad, la libre interprétation du texte coranique, et n’interdise les cultes non musulmans. Dans le cadre de la lutte contre l’intégrisme musulman en Égypte, Youssef Chahine a consacré son film Le destin (1997) à cet épisode.

    Au sujet de la fermeture des porte de l’Ijtihad, lire le livre de Robert Reilly, The closing of the muslim mind.

    6- Une falsification de l’histoire

    « Pour accepter l’islam, l’Europe a forgé le mythe de l’Andalousie tolérante qui aurait constitué un âge d’or pour les trois religions. Tout ce qui concerne les combats, le statut humiliant du non musulman a été soigneusement gommé. Il s’agit d’une véritable falsification de l’histoire réelle. »

    7- Relation avec les juifs

    Voici finalement ce qu’on peut trouver sur wikipedia :

    “”Débats sur la nature de l’âge d’or
    La situation des non-musulmans dans le califat de Cordoue a donné lieu à de nombreuses controverses parmi les spécialistes et commentateurs de la période, en particulier ceux qui souhaitent établir des similitudes avec la coexistence des musulmans et des non-musulmans dans le monde moderne.
    Il a été dit que les Juifs, ainsi que les autres minorités religieuses, étaient nettement mieux traités dans la péninsule ibérique sous contrôle musulman qu’en Europe chrétienne, et qu’ils y ont vécu une période unique dans l’histoire de tolérance de respect et d’harmonie. Pour d’autres, bien qu’al-Andalus ait été l’un des pôles majeurs du judaïsme pendant le haut Moyen Âge, et le berceau de communautés stables et prospères, il n’est pas certain que les relations entre Juifs et musulmans aient été un modèle de dialogue inter-religieux, et le traitement des Juifs pourrait n’avoir pas été très différent de celui qui leur était réservé ailleurs.
    María Rosa Menocal, spécialiste de la littérature ibérique à l’université Yale, est d’avis que la tolérance était un aspect inhérent à la société andalouse, et que les dhimmis juifs vivant dans le califat de Cordoue étaient, bien que considérés comme des citoyens de seconde classe, mieux traités qu’ailleurs dans le monde. Al-Andalus était considérée par les Juifs, ainsi que par des chrétiens adhérant à des sectes jugées hérétiques par Rome, comme une terre d’accueil.
    Bernard Lewis, professeur émérite des études sur le Moyen-Orient à l’université de Princeton, considère cette image comme largement faussée, et sa comparaison avec le monde moderne comme anhistorique et apologétique. Les prétentions de l’islam à la tolérance seraient, selon lui, très récentes et ne se retrouvent pas parmi les partisans d’un retour à l’islam. Les sociétés islamiques traditionnelles n’auraient jamais accordé une telle égalité, ni même prétendu le faire, celle-ci allant à contre-courant de leur vision théologique du monde.
    Selon Mark Cohen, professeur d’études proche-orientales à l’université de Princeton, le « mythe d’une utopie inter-religieuse », déjà rencontré dans le Moyen Âge tardif, aurait été fortement développé par les historiens juifs allemands du XIXe siècle, dont Heinrich Graetz, qui critiquaient de la sorte le traitement subi par les Juifs en Europe chrétienne, particulièrement en Europe orientale. Cette vision aurait été récupérée par les Arabes lors de la création de l’état d’Israël, comme une « arme de propagande contre le sionisme, » lequel serait responsable d’avoir brisé l’harmonie qui aurait régné jusqu’alors entre Juifs et Arabes dans la Palestine ottomane. Cette mythisation de l’histoire aurait généré un « contre-mythe » présentant une « conception néo-lacrymale de l’histoire judéo-arabe » par des écrivains (polémistes) comme Bat Yeor, aussi éloignée que la première de la réalité.
    Frederick Schweitzer et Marvin Perry pensent eux aussi que la vision traditionnelle de l’âge d’or a été fortement exploitée par les Arabes musulmans après 1948 dans un but polémique contre l’état d’Israël, et qu’elle ignore une série de manifestations de haine et de massacres moins connus, comme le massacre de Grenade, mais aussi celui de Cordoue en 1011.”
    [1] IDÉES REÇUES SUR LE MONDE ARABE, éditions Le cavalier bleu, 2012, p. 52

    « La légitimité des conquérants arabes et musulmans repose sur le respect et la propagation de la charia, dont les souverains sont les garants.
    Seul l’islam est vérité, les autres religions, erreurs : le judaïsme et le christianisme sont des prophéties d’un même Dieu que celui de l’islam, dévoyées par leurs adeptes.
    Les paroles coraniques permettent à Mahomet de créer un cadre de cohabitation entre les musulmans et les « protégés » (dhimmî), qui donnent aux juifs, chrétiens et, un peu plus tard, zoroastriens, la possibilité de vivre avec les musulmans, mais selon des conditions qui les placent en situation d’infériorité dans une société soumise à la loi de l’islam par la conquête. »

    Rappels sur l’Andalousie

    – A Cordoue en 796 eut lieu une sévère répression de la révolte des autochtones, et 20 000 familles prirent la route de l’exil. En 817 une révolte de convertis forcés dans la ville provoqua l’ expulsion des habitants.
    – En 850, le prêtre Perfectus est décapité publiquement pour blasphème, ayant voulu débattre des erreurs de l’islam et la même année, le marchand chrétien Johannes de Cordoue est torturé puis emprisonné pour avoir prononcé le nom de Mahomet pendant une vente.

    – En 851, Abd el Rahman II de Cordoue promulgue un édit menaçant de mort tous les blasphémateurs envers l’islam et emprisonne tous les chefs de la communauté chrétienne de la cité. L’année d’après a lieu l’épuration de l’administration de Cordoue de ses éléments chrétiens, ainsi que la destruction des églises datant d’après la conquête arabe.

    – En 900 est prise une mesure radicale : l’interdiction pour les chrétiens de Cordoue de construire de nouvelles églises. En 976, après l’invasion almoravide le Calife Almanzor, organise au pied de la Sierra Nevada une véritable Inquisition officielle, la seconde depuis l’Inquisition judaïque, et expurge toute les bibliothèques du califal , sans en exclure la bibliothèque royale d’Al-Hakam II, essentiellement composée d’ouvrages accumulés par les Wisigoths, qui seront brûlés par un gigantesque autodafé. L’histoire tranche avec le préjugé infondé de la tolérance du califat cordouan et de la richesse de son « incroyable bibliothèque royale, riche de 600 000 volumes », héritage en fait de la catholicité wisigothique. Al Mansur continu sur sa lancée obscurantiste, en 981 Zamora est pillée, en 985 c’est Barcelone, puis en 997 le calife détruit la ville de Saint Jacques de Compostelle .

    – En 1010 débute le massacre de centaines de juifs autour de Cordoue qui se prolongera trois ans. L’année 1066 est marquée par le massacre de milliers de juifs à Grenade. En 1102, la population chrétienne de Valence dut fuir vers l’Espagne du Nord récemment reconquise pour échapper aux persécutions. En 1125, les chrétiens de Grenade profitèrent de la retraite des troupes d’Alphonse d’Aragon rentrant chez elles après un raid en Andalousie, pour trouver refuge dans le nord chrétien.

    – En 1146, ce fut un autre exode massif, celui des chrétiens de Séville, fuyant l’ invasion de l’Espagne par les Almohades, berbères islamisés extrémistes, provoquant expulsion des juifs ou conversions forcées. Les Almohades en 1184, imposent des signes distinctifs aux chrétiens et aux juifs en Espagne, et en 1270 a lieu la ségrégation généralisée des juifs en Andalousie. Hormis cela, oui, on peut trouver des périodes de calme relatifs qui permirent une cohabitation apaisée…à condition de se soumettre à la pax islamica


    votre commentaire
  • « État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 1/2 D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?


    « État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » par Graeme Wood


    Nous publions ici l’article d’un journaliste américain, Graeme Wood de la revue TheAtlantic, relatif aux objectifs et à la nature profonde du groupe l’État islamique.



    L’État Islamique est sans conteste un ramassis de psychopathes. Mais
    c’est aussi un groupe religieux avec des croyances très spécifiques,
    parmi lesquelles la certitude de l’imminente fin des temps. Une
    certitude qui imprègne fortement sa stratégie mais qui nous offre
    également des pistes pour la mettre en échec.



    D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?



    La simplicité de ces questions peut être trompeuse, et il est probable
    que seuls quelquesdirigeants occidentaux soient en mesure d’y
    répondre.



    Au mois de décembre, le New YorkTimes publiait des propos
    confidentiels du général de divisionMichael K. Nagat, commandant des
    opérations spéciales américaines pour le Moyen-Orient :



    ” Nous n’avons pas vaincul’idée… Nous ne l’avons même pas comprise“,



    illustrant ses difficultés àseulement pouvoir donner du sens à l’appel
    de l’État islamique.



    Au cours de l’année écoulée,le président Obama l’a, quant à lui,
    défini comme n’étant“pas islamique” (sic) ou encore l’a qualifié
    “d’équipejunior” d’al-Qaeda.



    Autant de déclarations quireflètent la confusion régnant à propos de
    ce groupe, uneconfusion qui est sans doute à l’origine d’importantes
    erreursstratégiques.



    En juin dernier, le groupe s’estemparé de Mossoul, en Irak, et
    contrôle depuis lors une zone plusétendue que le Royaume-Uni. Abu Bakr
    al-Baghdadi est à sa têtedepuis mai 2010.



    Jusqu’à l’été dernier, saplus récente image connue était celle d’une
    photo de mauvaisequalité, prise par l’identité judiciaire américaine
    au cours desa captivité au camp de Bucca, durant l’occupation de
    l’Irak.



    En apparaissant le 5 juilletdernier à la mosquée al-Nuri de Mossoul
    pour y délivrer le sermondu Ramadan en tant que premier calife depuis
    des lustres, il aréalisé une mise à jour haute définition de cette
    image, enpassant du statut de rebelle pourchassé à celui de commandeur
    detous les musulmans.



    Depuis, on observe l’arrivéed’un flot continu et sans précédent de
    djihadistes venant dumonde entier.



    Notre méconnaissance de l’Étatislamique est, par certains côtés,
    compréhensible: il s’agitd’un “Royaume ermite” où peu de gens se sont
    rendus et d’oùpeu sont revenus. Baghdadi ne s’est exprimé qu’une seule
    foisdevant une caméra. Mais les partisans du califat ont
    œuvrépuissamment à la promotion de leur projet et son allocution
    ainsique les encycliques et les autres innombrables vidéos de
    propagandede l’État islamique se trouvent en ligne.



    Leur étude nous permet d’endéduire que leur État rejette, par
    principe, la paix, qu’il estgénocidaire, que ses opinions religieuses
    le rendent par essenceincapable d’évoluer sur certains points, même si
    sa survie devaiten dépendre, et qu’il se considère comme un élément
    précurseur,et même un acteur majeur, de l’imminente fin du monde.



    L’État islamique, égalementconnu sous le nom d’État islamique en Irak
    et au Levant (EIIL),suit une version très particulière de l’Islam, où
    les croyancesrelatives au jour du jugement dernier influencent
    directement sastratégie.



    Elles peuvent en cela aiderl’Occident à mieux le connaître à anticiper
    ses actions.



    L’avènement de sa puissances’apparente moins au succès des Frères
    Musulmans en Égypte (ungroupe dont les dirigeants sont considérés
    comme des apostats parl’EI) qu’à la réalisation d’une réalité
    alternativedystopique où David Koresh ou encore Jim Jones auraient
    survécu etoù ils exerceraient un pouvoir absolu, non sur quelques
    centaines depersonnes, mais sur près de 8 millions.



    Nous nous sommes trompés sur lanature de l’État islamique sur au-moins
    deux points.



    Tout d’abord, nous voyons ledjihadisme comme un bloc monolithique et
    nous essayons d’appliquer,à une organisation qui a fermement éclipsé
    al-Qaeda, la mêmelogique qu’à cette dernière. Les partisans de l’État
    islamiqueavec qui j’ai discutés évoquent encore Ousama ben Laden sous
    letitre honorifique de“Sheikh Ousama”.



    Mais le djihadisme a évoluédepuis les grandes heures d’al-Qaeda, entre
    1998 et 2003, et denombreux djihadistes dédaignent désormais les
    priorités du groupeainsi que son actuel commandement.



    Ben Laden considérait leterrorisme comme le prologue d’un califat
    qu’il ne s’attendaitpas à voir de son vivant. Son organisation était
    flexible, opérantcomme un réseau de cellules autonomes,
    géographiquement dispersées.



    L’État islamique, aucontraire, a besoin d’un territoire afin de
    demeurer légitime etd’une structure verticale pour l’administrer.



    (Son administration se divise enune branche civile et une branche
    militaire et le territoire estscindé en provinces.)



    Nous nous sommes égalementtrompés lorsqu’au moyen d’une campagne bien
    intentionnée mais,malhonnête, nous avons nié la nature religieuse et
    médiévale del’EI.



    Peter Bergen, qui a réalisé lapremière interview de Ben Laden en 1997
    avait intitulé son premierlivre “Guerre Sainte, Inc.” pour bien
    marquer que Ben Laben étaitune créature du monde séculier actuel. Ben
    Laden a transformé laterreur en entreprise et l’a franchisée. Il
    exigeait desconcessions politiques telles que le retrait des forces
    américainesd’Arabie Saoudite. Ses fantassins étaient à l’aise dans
    lemonde moderne. Mohammed Atta a ainsi consacré la dernière journéede
    son existence à faire du shopping chez Walmart et à dîner chezPizza
    Hut.



    Il est tentant de conserver cettevision selon laquelle les djihadistes
    sont des gens modernes etséculiers, avec des préoccupations politiques
    actuelles, arborantseulement des déguisements religieux médiévaux pour
    faire en sorteque l’État islamique corresponde à cela.



    En fait, nombre des actes dugroupe semblent absurdes, sauf à les
    considérer attentivement à lalumière de son engagement à ramener la
    civilisation dans sonenvironnement légal du VIIème siècle, pour
    finalement provoquerl’apocalypse.



    Les plus parlants sur cettequestion sont encore les autorités et les
    militants de l’Étatislamique eux-mêmes. Leurs références aux
    “modernes” sontdérisoires. Pendant les conversations, ils insistent
    sur le faitqu’ils ne veulent pas – ne peuvent pas – s’écarter
    depréceptes de gouvernance intégrés dans l’Islam par le
    prophèteMohammed et ses premiers compagnons.



    Ils utilisent souvent desformules codifiées, aux sonorités étranges et
    surannées pour desnon-musulmans, mais qui se rapportent à des textes
    et des usagesspécifiques aux premiers temps de l’Islam.



    Pour prendre un exemple: au moisde septembre, Sheikh Abu Muhammad
    al-Adnani, le porte-parole en chefde l’EI, a appelé les musulmans des
    pays occidentaux, tels que laFrance et le Canada, à trouver un
    infidèle et à “frapper sa têteà coup de pierre“, à l’empoisonner, à
    lui rouler dessus avecune voiture“, ou à “détruire ses récoltes”.



    Pour des oreilles occidentales,la juxtaposition de châtiments d’aspect
    biblique, telles que lalapidation ou la destruction de récoltes avec
    un appel au meurtre àl’aide d’une voiture résonne de manière étrange.
    (Adnanin’hésite pas non plus à employer de simples métaphores
    commelorsqu’il évoque le secrétaire d’État John Kerry en lequalifiant
    de “vieillard incirconcis“).



    Mais les mots d’Adnani nerelevaient pas du simple dérapage verbal. Ses
    propos étaientparsemés de réflexions juridiques et théologiques et
    sonexhortation à s’en prendre aux récoltes faisaient directementécho
    aux commandements de Mohammed de ne toucher ni à l’eau, niaux récoltes
    – à moins que les armées de l’islam ne soientplus sur la défensive,
    auquel cas, les musulmans se trouvant sur laterre du “kouffar” , ou
    infidèle, devaient être sans pitié etles empoisonner.



    La réalité, c’est quel’État islamique est islamique. Très islamique.



    Oui, il a attiré despsychopathes et des aventuriers, largement issus
    des populationsinsatisfaites du Moyen-orient et d’Europe.



    Mais la religion prêchée parses plus fervents adeptes provient
    d’interprétations cohérenteset savantes de l’Islam.



    Pratiquement toutes les décisionset lois majeures promulguées par
    l’État islamique suivent cequ’il appelle, dans ses journaux, dans ses
    déclarations et sur sesaffiches, sur ses plaques d’immatriculation,
    ses imprimés ou sespièces de monnaie: “la voie du prophète”, ce qui
    signifiesuivre le récit et l’exemple du Prophète, dans les
    moindresdétails.



    Les musulmans peuvent rejeterl’État islamique, quasiment tous le font.
    Mais prétendre qu’iln’est pas réellement un groupe religieux,
    millénariste, avec unethéologie qui doit être comprise pour être
    combattue, a déjàconduit les États-Unis à le sous-estimer et à mettre
    en œuvre desschémas insensés pour le contrer.



    Nous aurons besoin de nousfamiliariser avec la généalogie
    intellectuelle de l’EI si nousvoulons réagir d’une manière qui ne le
    renforce pas, mais aucontraire, qui favorise son autodestruction sous
    l’effet de sespropres excès de zèle.



    Le contrôle d’un territoireest une condition essentielle pour affirmer
    l’autorité de l’Étatislamique aux yeux de ses partisans.



    Cette carte, inspirée destravaux de l’Institute for the Study of War,
    représente au 15janvier les territoires tombés sous le contrôle du
    califat ainsique les zones attaquées.



    Partout où il est au pouvoir,l’État islamique collecte des taxes, fixe
    les prix, rend lajustice et administre les services parmi lesquels les
    soins médicaux,l’éducation et les télécommunications.



    I. La Dévotion



    En novembre, l’État islamiquea diffusé un publi-reportage faisant
    remonter ses origines à BenLaden. Abu Musa’b al Zarqawi, le cruel chef
    d’al-Qaeda en Irak de2003 jusqu’à sa mort en 2006, y est considéré
    comme un géniteurplus récent. Deux autres chefs de guerre lui ont
    succédé avantl’arrivée de Baghdadi, le calife. Ayman al Zawahiri, le
    chirurgienophtalmologiste égyptien au look d’intellectuel, successeur
    de BenLaden à la tête d’al-Qaeda, n’y est pas mentionné.



    Zawahiri n’a pas prêtéallégeance à Baghdadi et il est de plus en plus
    détesté par sescamarades djihadistes. Son absence de charisme aggrave
    son isolement.Dans les vidéos, il apparaît biaiseux et ennuyeux. Mais
    la scissionentre al-Qaeda et l’État islamique a mis du temps à
    seconcrétiser et elle explique en partie la soif de sang hors norme
    dece dernier.



    Le religieux jordanien AbuMuhammad al Maqdisi, compagnon de Zawahiri,
    est lui aussi isolé. A55 ans, il peut se targuer d’être l’architecte
    d’al-Qaeda etle plus important des djihadistes méconnus du lectorat
    moyen dejournaux américains. Sur la plupart des questions en matière
    dedoctrine, Maqdisi et l’EI sont d’accord.



    Tous deux appartiennent à labranche djihadiste du sunnisme appelée
    Salafisme, dans les pas “d’alSalaf al Salih”, les “pieux ancêtres”.
    Ces derniers ne sontautres que le Prophète lui-même et ses premiers
    partisans, que lessalafistes honorent et prennent en modèle sur tous
    les aspects de lavie, que ce soit pour faire la guerre, pour coudre,
    pour organiser lavie de famille et même pour les soins dentaires.



    Maqdisi a formé Zarqawi, cedernier a fait la guerre en Irak grâce aux
    conseils du vieil homme.Avec le temps, son fanatisme a dépassé celui
    de son mentor qui luien a finalement fait le reproche. En cause, le
    goût de Zarqawi pourles mises en scènes sanglantes et, sur le plan
    doctrinal, la hainequ’il nourrissait envers les autres musulmans et
    qui l’amenait àles excommunier et à les tuer.



    Dans l’Islam, la pratique du“takfir”, l’excommunication, est
    théologiquement périlleuse.“Si un homme dit à son frère – tu es un
    infidèle -” leProphète affirme alors “que l’un des deux est dans le
    vrai.“Si l’accusateur se trompe, ses fausses accusations font de lui
    unapostat. La punition pour l’apostasie est la mort. Et Zarqawi
    aétendu de manière inconsidérée l’éventail des comportementsjugés
    “infidèles” pour les musulmans.



    Maqdisi a écrit à son ancienélève qu’il devait faire preuve de
    prudence et “ne pas lancerd’excommunications généralisées” ou
    “déclarer les genscomme apostats à cause de leurs pêchés“. La
    distinction entre unapostat et un pêcheur peut paraître subtile, mais
    c’est un pointde désaccord essentiel entre al-Qaeada et l’EI.



    Dénier au Coran et aux récitsde Mohammed leur caractère sacré relève
    clairement de l’apostasie.Mais Zarqawi et l’État qu’il a engendré
    considèrent qu’ilexiste beaucoup d’autres actes susceptibles de sortir
    un musulmandu cadre de l’Islam. Ceci inclut la vente d’alcool ou de
    drogue,le port de vêtements occidentaux, le fait de se raser la barbe,
    devoter à des élections même si c’est pour un candidat musulman,ou
    encore d’être trop peu regardant sur l’apostasie des autres.



    Être chiite, comme c’est lecas pour beaucoup d’Arabes irakiens, entre
    bien sûr dans cettecatégorie. En effet, l’EI conçoit le chiisme comme
    une nouveauté,et innover en matière de Coran, cela équivaut à remettre
    en causesa perfection originelle. (L’EI déclare que les
    pratiquescourantes du chiisme telles que l’adoration des mausolées
    d’imamsou les auto-flagellations publiques ne se fondent sur aucune
    baseissue du Coran ou de la vie du Prophète).



    Cela signifie qu’environs 200millions de chiites sont voués à la mort.
    Sont également concernéstous les chefs d’États musulmans qui ont élevé
    la loi des hommesau-dessus de la Sharia voulue par Allah, en imposant
    le respect detextes profanes.



    Suivant la doctrine “takfiri”,l’État islamique est déterminé à
    purifier le monde en tuant ungrand nombre de personnes. Il est
    difficile de connaître l’étendueexacte des massacres perpétrés dans
    ces territoires en raison dumanque de rapports objectifs qui en
    émanent, mais les messagespostés sur les médias sociaux de la région
    laissent penser que lesexécutions individuelles s’opèrent de manière
    plus ou moinscontinue et qu’il y a des exécutions de masse tous les 15
    jours.



    Les musulmans “apostats” sontles victimes les plus courantes. Les
    chrétiens, à condition de nepas s’opposer à ce nouveau gouvernant, ne
    font pas l’objetd’exécutions systématiques. Baghdadi les laisse vivre
    àcondition qu’ils payent une taxe spéciale connue sous le nom
    de“jizya” et reconnaissent leur sujétion.



    Il s’agit là d’une pratiquecoranique qui ne fait pas débat.



    En Europe cela fait des sièclesque les guerres de religion ont cessé
    et que les hommes ne meurentplus en grand nombre pour cause de
    différents théologiques. C’estpeut-être la raison pour laquelle les
    Occidentaux ont accueilli avecun tel déni et une telle incrédulité les
    informations relativesaux croyances et aux pratiques de l’État
    islamique. Beaucouprefusent de croire que ce groupe soit aussi dévot
    qu’il le prétendou aussi rétrograde et apocalyptique que le laissent
    entendre sesdéclarations et ses actes.



    Leur scepticisme estcompréhensible. Par le passé, les Occidentaux
    accusaient lesmusulmans de suivre aveuglément les anciennes écritures,
    ce quiaffligeait certains universitaires. Chez ces universitaires,
    comme ledéfunt Edward Saïd, la manière occidentale de présenter
    leschoses ne constitue jamais qu’une autre manière de dénigrer
    lesmusulmans.



    Ces universitaires exhortent àplutôt se pencher sur les conditions
    d’émergence de cesidéologies : mauvaises gouvernances, changements des
    mœurssociales, humiliation de vivre sur des terres estimées pour
    leurseule valeur pétrolifère.



    Aucune hypothèse expliquantl’avènement de l’État islamique ne saurait
    être complète sansla prise en considération de ces facteurs. A
    contrario, seconcentrer uniquement sur ces derniers, sans prendre en
    comptel’idéologie, relève d’une autre forme de partialitéoccidentale :
    si l’idéologie religieuse ne compte pas beaucoup àWashington ou à
    Berlin, c’est au contraire bien le cas à Mossoulou à Raqqa…



    Lorsqu’un bourreau masqué dit”Allahu akbar” tout en décapitant un
    apostat, il arrive,parfois, qu’il le fasse pour des motifs religieux.



    Beaucoup d’organisationsmusulmanes “mainstream” agissent en ce sens,
    affirmant que l’Étatislamique est, en fait, non-islamique. Il est bien
    sûr rassurant desavoir que la grande majorité des musulmans ne voit
    aucun intérêtà remplacer les films Hollywoodiens par les vidéos
    d’exécutionspubliques en guise de divertissements hebdomadaires.



    Mais, comme me le confiaitl’universitaire Bernard Haykel, directeur de
    recherche dudépartement de théologie à l’université de Princeton,
    lesmusulmans qui nient le caractère islamique de l’État du mêmenom,
    sont généralement “gênés et politiquement corrects, ayantune vision
    angélique de leur propre religion“.



    Une vision qui néglige “toutce que leur religion a exigé tant sur le
    plan historique quejuridique“. « Nombre de négateurs de la nature
    religieuse del’État islamique sont, m’a t-il dit, enracinés dans
    une“tradition chrétienne inter-religieuse absurde“.



    Tous les universitaires que j’aipu interroger à propos de l’idéologie
    de l’État islamiquem’ont renvoyé vers Haykel. A moitié Libanais,
    Haykel a grandi auLiban et aux États-Unis et lorsqu’il s’exprime
    derrière sonbouc à la Méphistophélès, il a une pointe d’accent
    étrangerindéfinissable.



    Selon Haykel, les rangs de l’Étatislamique sont profondément imprégnés
    d’une ferveur religieuse.Les citations coraniques sont omniprésentes.
    “Même les fantassinsen débitent sans arrêt” dit-il. “Ils empoignent
    leurs caméraset répètent leur doctrine de base de façon mécanique, et
    ils fontça tout le temps“.



    Il considère les déclarationsselon lesquelles l’État islamique aurait
    déformé les textes del’Islam comme grotesques et n’étant soutenues que
    par uneignorance délibérée.



    “Les gens veulent absoudrel’Islam” dit-il, “à lamanière d’un mantra :
    l’islam est une religion depaix. Comme s’il y avait une telle chose
    dans l’Islam! C’estce que font les musulmans et la manière dont ils
    interprètent leurstextes. Ces textes sont partagés par tous les
    musulmans sunnites,pas juste par ceux de l’État islamique. Et ces
    types sont doncaussi légitimes à le faire que n’importe qui d’autre.“



    Tous les musulmans reconnaissentque les premières conquêtes de Mahomet
    ne furent pas un long fleuvetranquille, que le Coran est imprégné des
    lois de la guerre et queles règles conduisant la vie du Prophète ont
    été calibrées pourrépondre à des temps troublés et violents. Selon
    l’hypothèse deHaykel, les combattants de l’État islamique sont
    véritablementfigés aux temps de l’islam des origines dont ils
    reproduisentpieusement les standards guerriers.



    Ce comportement inclut un certainnombre de pratiques que les musulmans
    actuels préfèrent ne pasreconnaître comme faisant intégralement
    parties de leurs textessacrés. Mais ”esclavage, crucifixions et
    décapitations ne sontpas des actes que les djihadistes sont allés
    chercher dans la seuletradition médiévale”[mais bien dans le coran
    NDT]. Lessoldats de l’État islamique sont “en plein dans la
    traditionmédiévale et ils la font ressurgir à grande échelle dans le
    tempsprésent.“



    Le Coran précise ainsi que lacrucifixion constitue le seul châtiment
    autorisé pour les ennemisde l’Islam. La taxe sur les chrétiens trouve
    son fondementdans le Surah Al-Tawba, le neuvième chapitre du Coran,
    qui enseigneaux musulmans qu’il faut combattre les chrétiens et les
    juifs“jusqu’à ce qu’ils payent la jizya en acceptant leursoumission et
    se tiennent tranquilles“. Le Prophète, que toutmusulman considère
    comme un exemple, a imposé ces règles etpossédait des esclaves.



    Les dirigeants de l’Étatislamique se sont mis en devoir de s’inspirer
    strictement deMahomet et ont fait ressurgir des traditions qui étaient
    endormiesdepuis des centaines d’années. “Ce qui est frappant chez eux,
    cen’est pas seulement leur interprétation littérale, mais aussi
    lesérieux avec lequel ils lisent les textes” dit Haykel. “Il y alà une
    assiduité, une gravité obsessionnelle que les musulmans nepossèdent
    pas normalement“.



    Avant l’émergence de l’Étatislamique, le seul groupe ayant tenté de
    suivre durant les 200dernières années le modèle prophétique avec une
    fidélité aussiradicale était les Wahabites du XVIIIe siècle en Arabie.
    Ilss’emparèrent de ce qui constitue aujourd’hui une grande part
    del’Arabie Saoudite où l’héritage de leur stricte pratiques’observe
    encore dans une version édulcorée de la Sharia.



    Haykel note une différenceimportante entre les deux groupes : “La
    violence des Wahabitesn’était pas débridée. Ils étaient entourés
    d’autresmusulmans et ils ont conquis des terres qui étaient
    déjàislamiques, ce qui retenait leur bras.



    L’EIIL, au contraire, revitpleinement “l’Islam des origines“. Les
    premiers musulmansétaient encerclés par les non-musulmans, et l’État
    islamique, auregard de sa tendance à l’excommunication, se considère
    dans lamême situation.



    Si al-Qaeda voulait réhabiliterl’esclavage, il ne l’a jamais dit. Et
    d’ailleurs pourquoil’aurait-il fait? Le silence sur l’esclavage est
    probablement lereflet d’une pensée stratégique qui vise à s’attirer
    lasympathie du public. Lorsque l’État islamique a commencé àréduire
    des gens en esclavage, certains de ses partisans ont tiqué.Néanmoins,
    le califat a continué à pratiquer l’esclavage etla crucifixion sans
    hésitation.



    “Nous conquerrons votreRome, briserons vos croix et prendrons vos
    femmes comme esclaves”a promis leur porte-parole Adnani lors de ses
    fréquentesdéclarations d’amour à l’Occident. “Si nous n’avons pasassez
    de temps pour y parvenir, alors nos enfants et petits-enfants
    yparviendront et ils vendront vos fils sur les marchés auxesclaves“.



    Au mois d’octobre Dabiq, lemagazine de l’État islamique, publiait un
    article intitulé “Leretour de l’esclavage avant l’Heure‘, le sujet
    était de savoirsi les Yazidis (les membres d’une secte kurde
    ancestrale quiemprunte des éléments à l’Islam et qui a été attaquée
    par lesforces de l’État islamique dans le Nord-Est de l’Irak)
    étaientdes musulmans dévoyés et donc voués à la mort, ou seulement
    despaïens et, en cela, bons pour l’esclavage.



    Un groupe de travail d’éruditsde l’État islamique a été mandaté par le
    gouvernement pourtraiter cette question. S’ils sont païens, écrit
    l’auteuranonyme de l’article :



    “Les femmes et les enfantsyazidis doivent être partagés, conformément
    à la Sharia, entreles combattants de l’État islamique ayant participé
    auxopérations du mont Sinjar (dans le Nord-Est de l’Irak).





    …Réduire en esclavage lesfamilles des infidèles (kouffars) et prendre
    leurs femmes commeconcubines constitue un aspect clairement établi de
    la Sharia etquiconque le contesterait ou le moquerait, de fait,
    contesteraitou moquerait les versets du Coran et les paroles du
    Prophète… Etil serait exclu de l’Islam comme apostat”.



    II. Territoire



    Le nombre de musulmans étrangersayant émigré vers l’État islamique est
    estimé à plusieursdizaines de milliers. Les recrues viennent de
    France, du Royaume-Uni,de Belgique, d’Allemagne, de Hollande,
    d’Autriche, d’Indonésie,des États-Unis et de bien d’autres pays.
    Beaucoup sont venus pourcombattre, et beaucoup entendent y mourir.



    Peter R Neumann, professeur auKing’s College de Londres, m’a affirmé
    que les discussions enligne jouent un rôle essentiel pour la diffusion
    de la propagande etpour s’assurer que les nouveaux venus savent ce
    qu’il fautcroire.



    Le recrutement par internet aégalement contribué à élargir la
    démographie de la communautédjihadiste, en permettant à des musulmanes
    conservatrices -nequittant pas leur domicile- d’entrer en contact avec
    desrecruteurs, de se radicaliser et d’organiser leur voyage en
    Syrie.Grâce à ces appels vers les deux sexes, l’État islamique
    espèreconstruire une société à part entière.



    Au mois de novembre, je me suisrendu en Australie pour rencontrer Musa
    Cerantonio, un homme âgéd’une trentaine d’années que Neumann et
    d’autres chercheursavaient identifié comme une des deux plus
    importantes “autoritésspirituelles” pour ce qui est d’inciter les
    étrangers àrejoindre l’État islamique.



    Il y 3 ans, il étaittélé-prédicateur au Caire sur Iqraa TV, il a
    quitté la chaînelorsque celle-ci lui a reproché ses fréquents appels à
    établir uncalifat. Il prêche désormais sur Twitter et sur Facebook.



    Cerantonio – un grand gaillardavenant aux allures d’intello – m’a
    affirmé pâlir à la vuedes vidéos de décapitation. Il déteste les
    scènes de violence,même si le soutien à l’État islamique exige de les
    endurer. (Ilse prononce contre les attentats suicides, à
    contre-courant desautres djihadistes, au motif que Dieu interdit le
    suicide; il sedifférencie également de l’État islamique sur
    d’autrespoints).



    Les cheveux en bataille à lamanière de certains fans hirsutes du
    Seigneur des Anneaux, sonobsession pour la fin des temps islamiques
    apparaît coutumière. Ilsemble surgir tout droit d’un drame qui, vue de
    l’extérieur,ressemble à un roman médiéval fantastique, mais où le sang
    coulepour de vrai.



    En juin dernier, Cerantonio et safemme ont essayé d’émigrer – il n’a
    pas voulu dire où (“ilest illégal d’aller en Syrie“, dit-il
    prudemment) – mais ilsont été interceptés aux Philippines, puis son
    visa ayant expiréil a été reconduit en Australie. L’Australie a
    criminalisé lefait de vouloir rejoindre l’État islamique et il lui a
    confisquéson passeport.



    Il est coincé à Melbourne, oùil est bien connu des services de police
    locaux. Si Cerantonio sefaisait prendre à aider des individus dans
    leur voyage vers l’ÉtatIslamique, il serait emprisonné. Toutefois,
    jusque là, il est libre– un idéologue sans affiliation technique, qui
    s’exprimenéanmoins et dont l’opinion sur les sujets doctrinaux
    relatifs àl’État islamique font référence auprès des autres
    djihadistes.



    Nous nous sommes retrouvés pourun déjeuner, à Footscray, une banlieue
    dense et multiculturelle deMelbourne comme le décrit le guide de
    voyage Lonely Planet.Cerantonio a grandi ici, dans une famille
    irlando-calabraise. Desrues typiques où on trouve des restaurants
    africains, des boutiquesvietnamiennes et où de jeunes arabes vont et
    viennent en tenue desalafiste, la barbe étroite, la chemise longue et
    le pantalon surles mollets.



    Cerantonio m’a relaté toute lajoie qu’il a ressentie lorsque Baghdadi
    a été déclaré calife le29 juin et la soudaine attirance que la
    Mésopotamie a dès lorsexercé sur lui et ses amis. “J’étais dans un
    hôtel [auxPhilippines], j’ai suivi la déclaration à la
    télévision,j’étais vraiment épaté, à me demander pourquoi
    j’étaiscoincé ici dans cette p**** de chambre ?“.



    Le dernier califat remonte àl’empire Ottoman qui a atteint son apogée
    au XVIe siècle avant deconnaître un long déclin, jusque à ce que
    Mustafa Kemal Atatürk,le fondateur de la République de Turquie ne lui
    porte le coup degrâce en 1924.



    Mais Cerantonio, comme beaucoupde partisans de l’État islamique, ne
    reconnaît aucune légitimitéà ce califat car il n’a pas pleinement
    appliqué la loi islamiquequi exige les lapidations, l’esclavage et les
    amputations, maisaussi parce que ses califes ne descendaient pas de la
    famille duProphète, les Quraysh.



    Baghdadi a longuement évoquél’importance du califat au cours de son
    sermon de Mossoul. Il aaffirmé que redonner vie aux institutions du
    califat – qui n’ontpas fonctionné autrement que de nom durant près de
    1000 ans –constituait une obligation commune. Lui et ses fidèles
    avaient“précipité la déclaration du califat et placé un imam à
    satête”.



    “C’est un devoir qui s’imposeaux musulmans – un devoir qui s’était
    perdu pendant dessiècles…vouant les musulmans au pêché, mais qu’ils se
    devaientde le rechercher pour le rétablir“. Comme Ben Laden avant
    lui,Baghdadi parle avec emphase, usant d’allusions scripturales
    etrecourant aux techniques oratoires classiques. Mais à la
    différencede ce dernier et des faux califes de l’empire Ottoman, il
    est unQurayshi.



    D’après Cerantonio le califatn’est pas seulement une entité politique,
    mais aussi un vecteur desalut. La propagande de l’État islamique fait
    régulièrement échoaux procédures d’allégeance (baya’a) qui ont cours
    parmi lesgroupes djihadistes à travers le monde.



    Cerantonio cite le Prophète quiaffirme que mourir sans avoir prêté
    allégeance revient à mourirignorant (jahil) et à avoir une mort de
    mécréant. “Vois commentles musulmans, (ou même les chrétiens sur cette
    question) imaginentDieu en train de s’occuper des âmes des gens qui
    sont mort sansrien apprendre de la vraie religion. Ils ne sont
    évidemment nisauvés ni formellement condamnés”.



    De la même manière, Cerantoniodit que le musulman qui ne reconnaît
    qu’un seul Dieu tout puissantet qui le prie, mais qui meurt sans avoir
    lui-même prêtéallégeance à un véritable calife, conformément aux
    obligations dela foi, aura échoué à vivre l’Islam pleinement.



    Je lui ai fait remarquer que celavoulait dire que la plus grande
    majorité des musulmans à traversl’Histoire, ainsi que tous ceux qui
    sont morts entre 1924 et 2014,sont morts comme des mécréants.
    Cerantonio opina gravement du chef.“J’irais même jusqu’à dire que
    l’Islam a été rétabli”par le califat.



    Je l’interroge sur sa propreallégeance, il me reprend aussitôt: “Je
    n’ai pas dit quej’avais prêté allégeance“, me rappelant que selon la
    loiaustralienne il était illégal de prêter allégeance à
    l’Étatislamique. “Mais je suis d’accord pour que [Baghdadi]
    satisfasseaux exigences” poursuit-il. “je vais juste te faire un clin
    d’œilet tu en déduiras ce que tu voudras“.



    Pour être calife, il fautsatisfaire à un certain nombre de conditions
    exposées dans la loisunnite – être un homme d’âge adulte descendant de
    la familledu Prophète (Quaraysh), être sain de corps et d’esprit,
    fairemontre de probité morale et posséder de l’autorité (‘amr).



    Ce dernier critère, déclareCerantonio, est le plus difficile à remplir
    et exige que le califeait un territoire sur lequel il puisse appliquer
    la loi islamique.C’est ce qu’a réalisé l’État islamique de Baghdadi
    bienavant le 29 juin, ajoute Cerantonio. Et aussitôt que ce fut fait,
    unOccidental converti – Cerantonio dit de lui qu’il possèdeles
    qualités d’un chef- commença à évoquer depuis les rangsl’obligation
    religieuse de déclarer le califat. Lui et lesautres en discutèrent
    avec les chefs et leur dirent que ce seraitpêcher que d’attendre plus
    longtemps.



    Cerantonio affirme même qu’unefaction aurait vu le jour pour faire la
    guerre à Baghdadi s’ildifférait davantage. Ils avaient préparé des
    courriers àdestination de plusieurs membres influents de l’EIIL,
    exprimantleur mécontentement sur l’absence de désignation d’un calife.



    Mais ils furent calmés parAdnani, le porte-parole, qui les mis dans la
    confidence qu’uncalifat avait déjà été proclamé, longtemps avant qu’en
    soitfaite l’annonce publique. Ils avaient leur calife légitime et
    dèslors, il n’y avait qu’une seule option. “S’il est légitime”raconte
    Cerantonio “vous devez lui prêter allégeance“.



    Après le sermon de juillet deBaghdadi, un grand nombre de djihadistes
    commencèrent à affluerchaque jour en Syrie avec une motivation
    renouvelée. JürgenTodenhöfer, un ancien homme politique et auteur
    allemand qui serendit dans l’État islamique au mois de décembre a
    dénombré,sur un poste de recrutement à la frontière turque, une
    centaine decombattants en seulement deux jours.



    Son récit, comme d’autres,suggère qu’un flot ininterrompu d’étrangers
    continue d’arriverdans le pire endroit au monde, prêts à tout
    abandonner pour obtenirun aller-simple vers le paradis.



    Une semaine avant mon déjeuneravec Cerantonio, j’avais rencontré à
    Londres trois anciensmembres d’un groupe islamiste dissout appelé “Al
    Muhajiroun”(les Emigrants). Anjem Choudary, Abu Baraa, et Abdul Muhid.
    Ilsavaient tous exprimé leur désir d’émigrer vers l’Étatislamique,
    comme beaucoup de leurs camarades l’avaient déjà fait,mais les
    autorités avaient confisqué leurs passeports.



    Comme Cerantonio, ils considèrentle califat comme le gouvernement le
    plus vertueux au monde, bienqu’aucun d’entre eux n’ait confessé avoir
    prêté allégeance.En me rencontrant, leur objectif était d’expliquer en
    quoiconsiste le califat et comment sa politique reflète la loi
    d'Allah.



    Choudary, âgé de 48 ans, estl’ancien dirigeant du groupe. Il apparaît
    fréquemment auxinformations sur les chaînes de télévision du câble, il
    est l’unedes quelques personnes que les producteurs peuvent faire
    interveniret qui défend avec véhémence l’État islamique jusqu’à ce
    quele micro lui soit coupé.



    Au Royaume-Uni il a uneréputation d’odieux fanfaron, mais comme ses
    disciples il croitsincèrement en l’État islamique et, en matière de
    doctrine, ils’exprime en son nom. Choudary et les autres sont
    éminemmentprésents dans le flux Twitter des habitants de l’État
    islamiqueet Abu Baraa entretient une chaîne YouTube pour répondre
    auxquestions relatives à la charia.



    Depuis le mois de septembre, lesautorités ont enquêté sur les trois
    hommes suspectés de soutenirle terrorisme. A cause de cette enquête,
    ils ont dû me rencontrerséparément. La communication entre eux aurait
    violé les conditionsde leur liberté sous caution. Mais en parlant avec
    eux, on croitparler à une seule et même personne qui porterait
    plusieursmasques.



    J’ai rencontré Choudary dansun magasin de bonbons d’Ilford dans la
    banlieue Est de Londres. Ilétait élégamment vêtu, une tunique
    bleue-marine impeccablecouvrant presque les chevilles, sirotant une
    canette de Red Bullpendant que nous marchions.



    Choudary me raconte qu’avantle califat “peut-être 85% des préceptes de
    la Sharia étaientabsents de nos vies”. “Ces lois étaient comme en
    suspens jusqu’àce que nous ayons un califat (Khilafa), et maintenant,
    nous en avonsun“.



    Sans califat, par exemple, enmatière de justice, il n’y a pas
    d’obligation à couper la maindes voleurs pris sur le fait.



    Mais la création d’un califatréveille soudainement ces lois ainsi que
    les nombreux textes detoutes leurs jurisprudences. En théorie, tous
    les musulmansont l’obligation d’émigrer vers la terre où le calife
    appliqueces lois. En novembre Abu Rumaysah, un hindouiste converti
    etfaisant partie des meilleurs étudiants de Choudary, a échappé àla
    police pour emmener sa famille de cinq personnes de Londres enSyrie.



    Le jour où j’ai rencontréChoudary, Abu Rumaysah avait tweeté une photo
    de lui tenant sonnouveau né d’un bras et une Kalashnikov de l’autre.
    Hashtag:#GenerationKhilafah.



    Le calife est tenu d’appliquerla Sharia.



    Le moindre manquement oblige ceuxqui lui ont prêté allégeance à l’en
    informer en privé et, dansles cas extrêmes, à l’excommunier et à le
    remplacer s’ilpersiste. (“j’ai été tourmenté par cette importante
    question,accablé par cette lourde responsabilité” a déclaré
    Baghdadidans son sermon). En retour, le calife exige l’obéissance –
    ceuxqui persistent à soutenir les gouvernements non-musulmans,
    aprèsavoir été dûment prévenus et avisés de leurs pêchés, ceux-làsont
    des apostats.



    Pour Choudary, la Sharia a étémal comprise à cause de son application
    incomplète par des régimestel que l’Arabie Saoudite où les meurtriers
    sont décapités etles voleurs amputés des mains. “Le problème est que
    dans les payscomme l’Arabie Saoudite, ils n’appliquent que le code
    pénal dela Sharia en oubliant les volets concernant la justice
    économique etsociale – le lot complet – Ils créent ainsi du
    ressentimentenvers la Sharia“. Ce lot complet, dit-il, inclut la
    gratuité pourtous du logement, de la nourriture, des vêtements et la
    possibilitépour ceux qui le souhaitent de s’enrichir par le travail.



    Abdul Muhid, 32 ans, est sur lamême ligne. Il était habillé à la mode
    moudjahidine lors de notreentretien dans un restaurant local. Barbe
    étroite, coiffe afghane etun porte-feuille sur ses vêtements attaché à
    la manière d’unholster d’épaule. Il était impatient d’évoquer le
    voletsocial.



    Les peines infligées concernantles crimes contre la morale (le fouet
    pour l’alcool et lafornication, la lapidation pour l’adultère) par
    l’Étatislamique peuvent avoir un aspect médiéval, mais son
    programmed’aide sociale, par certains côtés, fait preuve
    d’unprogressisme que ne renierait pas un ponte de MSNBC [chaîne du
    câbleNord Américain d'inspiration et à vocation socialiste - ndlr].



    Les soins médicaux sontgratuits, (“Ne le sont-ils pas aussi en Grande
    Bretagne ?”demandais-je. “Non, pas vraiment” dit il. Certains domaines
    nesont pas remboursés, comme les lunettes). Cette fourniture
    d’aidesociale n’était pas un choix politique délibéré de la part
    del’État islamique, précise t-il, mais constituait une
    obligationpolitique inhérente à la loi d'Allah.



    Anjem Choudary, le plus connu despartisans de l’État islamique, basé à
    Londres, précise que lacrucifixion et la décapitation sont des
    commandements religieux.



    III. L’Apocalypse



    Tous les musulmans admettent queseul Dieu connaît l‘avenir. Mais ils
    admettent également qu’ilnous a accordé un moyen de l’entrevoir grâce
    au Coran et auxparoles du Prophète. L’État islamique considère que
    l’originedivine de ces écritures et de ces récits tient une place
    centrale.En cela, il se distingue de presque tous les autres
    groupesdjihadistes du moment. C’est dans cet aspect des choses qu‘il
    estle plus audacieux par rapport à ses prédécesseurs, en donnant àsa
    mission une nature très clairement religieuse.



    Par Graeme Wood


    votre commentaire
  • « État Islamique : L’apocalypse au nom d’Allah » 2/2 D’où vient l’État islamique et quelles sont ses intentions ?


     

     



    D’autres groupes islamistes, comme les Frères Musulmans ou le Hamas, ont cédé aux facilités de la démocratie et à la perspective de rejoindre le concert des nations et un siège à l’ONU. Négociations et arrangements ont parfois également fonctionné pour les Talibans.



    Les autorités talibanes d’Afghanistan avaient en leur temps procédé à un échange d’ambassadeurs avec l’Arabie Saoudite, le Pakistan et les Émirats Arabes Unis, ce qui les a discrédités aux yeux de l’État islamique, pour qui ces pratiques ne constituent pas des options mais des actes d’apostasie.



    Les USA et leurs alliés ont réagi tardivement et de manière confuse. Les ambitions du groupe et la brutalité de ses stratégies apparaissaient pourtant clairement dans ses déclarations et sur les médias sociaux bien avant 2011, alors qu’il n’était encore qu’un groupe terroriste parmi d’autres en Syrie et en Irak et n’avait encore perpétré aucune atrocité à grande échelle.



    Le porte parole Adnani affirmait à ses “followers” que le groupe ambitionnait de “rétablir le califat islamique”, et d’évoquer l’apocalypse : “Il ne reste plus que quelques jours à présent.” Baghdadi s’était déjà auto-proclamé “commandeur de la foi”en 2011, un titre habituellement réservé aux califes. En avril 2013, Adnani déclarait le mouvement “prêt à redessiner le monde selon les principes du califat révélé par le Prophète”.



    Au mois d’août suivant, il ajoutait : “Notre objectif est d’ériger un État islamique qui ne reconnaît aucune frontière, conformément à la parole du Prophète”. Et c’est ainsi que le groupe s’est emparé de Raqqa, la capitale d’une province syrienne de près de 500.000 habitants, et attira un nombre considérable de combattants étrangers qui avaient entendu ses messages.



    En cernant plus tôt la nature des intentions de l’État islamique et en réalisant que le vide laissé laissé en Syrie et en Irak lui permettrait de les mettre à exécution, nous aurions pu a minima encourager l’Irak à renforcer sa frontière avec la Syrie et à négocier préalablement avec les sunnites. Cela aurait pu éviter les effets fulgurant de la propagande générés par la déclaration du califat juste après la conquête de la troisième plus grande ville d’Irak.



    Moins d’un an auparavant, Obama déclarait cependant au New Yorker qu’il considérait l’EIIL comme le plus faible des partenaires d’al-Qaeda. “Si une équipe junior enfile le maillot des Lakers, ça n’en fait pas des Kobe Bryant pour autant” avait dit le président.



    Notre échec à apprécier l’écueil entre l’État islamique et al-Qaeda ainsi que les différences essentielles entre les deux, a conduit à prendre de dangereuses décisions. L’une des dernières en date, pour prendre un exemple, est le feu vert du gouvernement américain en faveur d’un plan désespéré pour sauver la vie de Peter Kassig.



    L’interaction de certaines personnalités historiques de l’État islamique et d’al-Qaeda semblait nécessaire pour en faciliter le bon déroulement. Au final, le plan aurait difficilement pu apparaître plus improvisé.



    Cela a provoqué l’enrôlement d’Abu Muhammad al Maqdisi, le mentor de Zarqawi et figure historique d’al-Qaeda pour approcher Turki al Binali, chef de file des idéologues de l’État islamique et ancien étudiant de Maqdidi, en dépit de leur brouille suite aux critiques de ce dernier à l’encontre de l’EI.



    Maqdisi a d’ores et déjà appelé à la clémence pour le chauffeur de taxi britanique Alan Henning, entré en Syrie pour fournir de l’aide humanitaire aux enfants syriens. Au mois de décembre, The Guardian rapportait que le gouvernement américain avait sollicité Maqdisi par le truchement d’un intermédiaire pour qu’il intercède en faveur de Kassig.



    Maqdisi a été laissé libre en Jordanie, mais il lui a été interdit de communiquer avec les terroristes à l’étranger, et il était étroitement surveillé. Après que les Jordaniens eurent autorisé les Américains à réintroduire Maqdisi auprès de Binali, Maqdisi acheta un téléphone portable avec l’argent des Américains et fut seulement autorisé pendant quelques jours à correspondre avec ses anciens étudiants, avant que le gouvernement jordanien ne mette un terme aux échanges et ne l’emprisonne. Quelques jours plus tard, la tête tranchée de Kassig apparaissait dans une vidéo de Dabiq.



    Sur Twitter les fans de l’EI se moquent sans détour de Maqdisi et al-Qaeda est méprisé pour son refus de reconnaître le califat. Cole Bunzel, un universitaire qui étudie l’idéologie de l’État islamique et qui a lu l’opinion de Maqdisi sur la situation de Henning, pense que son intervention aurait précipité sa mort et celle d’autres captifs. “Si j’étais retenu prisonnier par l’État islamique et que Maqdisi proclame qu’il ne faut pas me tuer, alors je serais cuit”.



    L’exécution de Kassig fut une tragédie, mais le succès du plan eut été pire encore. Une réconciliation entre Maqdisi et Binali aurait consisté à combler le fossé qui existe entre les deux plus importantes organisation djihadistes. Il est possible que le gouvernement ait voulu le sortir de prison à des fins de renseignement ou pour l’éliminer. (Plusieurs tentatives pour obtenir des commentaires de la part du FBI sont restées vaines).



    Quoiqu’il en soit, l’idée des Américains de jouer les entremetteurs entre deux organisations terroristes majeures et antagonistes démontre d’étonnantes et piètres qualités de jugement.



    Passée l’apathie initiale, nous combattons désormais l’État islamique à travers des frappes aériennes régulières et des actions au sol dont les kurdes et les irakiens sont les intermédiaires. Si ces stratégies ne sont pas parvenues à chasser l’EI de ses principaux bastions, elles l’ont toutefois empêché d’attaquer directement Baghdad et Erbil et d’y massacrer les Kurdes et les Chiites.



    Certains observateurs demandent un renforcement des moyens d’action, notamment les défenseurs du droit d’ingérence (Max Boot, Frederick Kagan), réclamant le déploiement de dizaines de milliers de soldats américains. Ces demandes ne devraient pas être écartées trop rapidement: une organisation génocidaire patentée se trouve à portée de canon de ses victimes potentielles et commet d’ores et déjà chaque jour des atrocités sur les territoires qu’elle contrôle.



    Un des moyens pour rompre le charme de l’EI sur ses adhérents serait de le surclasser militairement et d’occuper les territoires qui, en Irak et en Syrie, constituent le califat. Al-Qaeda ne peut pas être éradiqué, car il peut survivre dans la clandestinité, tel un cafard. L’État islamique, lui, ne le peut pas. S’il perd le contrôle des territoires conquis en Irak et en Syrie, il ne sera plus un califat.



    Fondé sur le principe de l’autorité territoriale, ce dernier ne peut pas être un mouvement clandestin: retirez-lui ses territoires et tous les serments d’allégeance deviendront caduques. Bien sûr ses anciens affidés peuvent, en tant que “travailleurs indépendants”, continuer à lancer des attaques contre l’Occident et décapiter leurs ennemis.



    Mais la plus-value du califat en matière de propagande aura vécue, et avec elle le supposé devoir religieux d’y émigrer et d’y servir. Si les États-Unis devaient débarquer, l’obsession de l’État islamique concernant la bataille de Dabiq laisse penser qu’il pourrait y envoyer d’importantes forces pour engager une bataille conventionnelle. S’il y massait toutes ses forces, il y serait vaincu et ne s’en remettrait pas.



    Cependant les risques d’une escalade sont énormes. Le premier partisan d’une invasion américaine étant l’État islamique lui-même. La vidéo dans laquelle un bourreau masqué s’adressait nommément au président Obama était clairement destinée à provoquer l’engagement des Américains dans le combat.



    Une invasion américaine consacrerait dans le monde entier une large victoire de la propagande djihadiste, peu importe qu’ils aient prêté allégeance au calife ou pas, ils sont tous persuadés que les Américains veulent mener une croisade et tuer les musulmans. Une nouvelle invasion ainsi qu’une occupation viendraient confirmer cette suspicion et intensifier le recrutement.



    La réticence à intervenir se nourrit de l’incompétence dont nous avons fait preuve en tant qu’occupant. Après tout, l’avènement de l’EIIL est surtout la conséquence de l’espace que nous avons laissé à Zarqawi et à ses successeurs lors de notre précédente occupation. Quelles seraient les conséquences d’un autre travail bâclé ?



    Compte-tenu de ce que nous savons de l’État islamique, le saigner lentement au moyen de frappes aériennes et de frappes au sol kurdes et irakiennes, apparait comme la moins mauvaise des options militaires. Pas plus les Kurdes que les Chiites ne pourront contrôler le cœur des terres sunnites d’Irak et de Syrie où ils sont honnis et où ils n’ont aucune envie de tenter l’aventure.



    Mais ils peuvent stopper l’État islamique dans son expansion. Mois après mois, à mesure qu’il échoue à s’étendre, il ressemble de moins en moins à l’État conquérant du Prophète Mahomet et de plus en plus à un gouvernement du Moyen-Orient échouant à apporter la prospérité à son peuple.



    Le coût humanitaire de l’État islamique est élevé. Mais la menace qu’il fait peser sur les États-Unis est plus faible que celle suggérée par le fréquent amalgame avec al-Qaeda. Les attaques contre l’Occident lointain prônées par ce dernier ne trouvent guère d’écho auprès de la plupart des groupes djihadistes qui sont davantage concernés par des objectifs locaux ou régionaux.



    C’est précisément le cas de l’État islamique en raison de son idéologie. Il se voit cerné par des ennemis, mais tandis que ses dirigeants vitupèrent contre les États-Unis, l’application de la Charia au sein du califat ainsi que son extension aux territoires limitrophes demeurent essentielles.



    Bagdhadi n’a pas dit autre chose lorsqu’au mois de novembre, il a demandé à ses agents saoudiens de s’en prendre d’abord aux Chiites (rafida) … puis aux sunnites soutenant la monarchie des Saouds (al-Sulul)… et enfin aux croisés.



    Musa Cerantionio et Anjem Choudary sont capables de contempler des meurtres de masses puis de discuter des vertus du café vietnamien avec une égale et apparente délectation.



    Les combattants étrangers (ainsi que leurs femmes et leurs enfants) ont pris un aller simple pour le califat : ils veulent y vivre selon les règles de la véritable Charia et beaucoup souhaitent le martyre. Il faut rappeler que la doctrine impose aux croyants d’habiter dans le califat dès lors que cela leur est possible.



    L’une des vidéos les moins sanglantes de l’EI met en scène un groupe de djihadistes brûlant leurs passeports français, britanniques et australiens. Ce qui serait un peu farfelu pour des gens qui voudraient rentrer se faire exploser dans la file d’attente du Louvre ou prendre en otage un autre salon de thé à Sidney.



    Plusieurs “loups solitaires” partisans de l’État islamique s’en sont pris à des cibles occidentales et d’autres attaques se produiront encore. Mais la plupart étaient le fait d’amateurs frustrés, dans l’impossibilité d’émigrer vers le califat à cause de la confiscation de leur passeport ou pour d’autres raisons.



    Même si l’État islamique se réjouit de ces attaques – et en fait état dans sa propagande – il n’en a pour l’instant planifié ou financé aucune. (L’attaque de Paris contre Charlie Hebdo était principalement une opération d’al-Quaeda).



    Au cours de sa visite à Mossoul au mois de décembre, Jürgen Todenhöfer demanda à un djihadiste allemand si certains de ses camarades étaient rentrés en Europe pour y conduire des attaques. Mais ce dernier semblait les considérer comme des décrocheurs plutôt que comme des soldats. “En fait, ceux qui ont quitté l’État islamique pour rentrer chez eux devraient s’en repentir. J’espère qu’ils pratiquent leur religion”.



    Correctement contenu, l’État islamique sera la cause de sa propre perte. Il n’a pas d’allié et son idéologie garantie qu’il en sera toujours ainsi. Le terrain qu’il contrôle, bien qu’étendu, est majoritairement pauvre et inhabité. Alors qu’il stagne ou qu’il rétrécit lentement, sa posture d’agent de l’apocalypse et de porte-parole de la volonté divine s’affaiblit et moins de croyants vont le rejoindre.



    À mesure que sortent les rapports sur la misère qui règne en son sein, les mouvements islamistes radicaux partout ailleurs vont être discrédités : Personne n’avait encore tenté d’appliquer aussi strictement la Charia par la violence. Voilà à quoi cela ressemble.



    Mais même dans ce cas, la mort de l’État islamique ne sera hélas pas immédiate, et la situation peut encore se dégrader. Si l’État islamique obtenait l’allégeance d’al-Qaeda, réalisant d’un seul coup l’unité de leurs bases respectives, il pourrait devenir un ennemi plus redoutable qu’auparavant.



    Le fossé entre l’État islamique et al-Queda s’est élargi au cours des derniers mois. En décembre, la revue Dabiq consacrait un long article aux défections d’al-Quaeda, décrivant ce dernier comme un groupe impuissant et corrompu dirigé par un Zawahiri incapable et distant. Mais il convient d’être vigilant quant à un tel rapprochement.



    En dehors de ce scénario catastrophe ou d’une menace d’assaut imminente sur Erbil, une intervention d’envergure au sol ne ferait sans doute qu’empirer la situation.



    V Dissuasion



    Il serait trop facile, voire disculpatoire, de qualifier le problème posé par l’État islamique de “problème avec l’Islam.” La religion permet de nombreuses interprétations, et les partisans de l’EI sont moralement tenus de suivre la leur. Pourtant, dénoncer simplement l’EI comme étant non conforme à l’Islam peut être contre-productif. Surtout si ceux à qui s’adresse ce message ont lu les textes sacrés et y ont clairement vu une adéquation avec la plupart des pratiques du califat.



    Par Graeme Wood - Traduction libre réalisée par Fortune.



    Des musulmans peuvent dire que l’esclavage n’est pas légitime aujourd’hui, et que la crucifixion est une erreur dans le contexte historique actuel. Beaucoup l’affirment d’ailleurs. Mais ils ne peuvent pas condamner l’esclavage ou la crucifixion purement et simplement sans contredire le Coran et l’exemple du Prophète.

    “La seule voie que les adversaires de l’État islamique pourraient prendre serait de dire que certains textes et enseignements traditionnels de l’Islam ne sont plus valides», explique Bernard Haykel. Ce qui serait vraiment un acte d’apostasie.



    L’idéologie de l’État islamique exerce une puissante emprise sur une frange de la population. Les hypocrisies et les incohérences de la vie disparaissent à son contact. Musa Cerantonio et les salafistes que j’ai rencontrés à Londres sont imbattables : pas une question que je leur ai posée ne les fit bégayer. Ils m’ont tenu des discours de façon très convaincante, à condition que l’on accepte leurs arguments.

    Les qualifier de non-islamiques revient pour moi à les convier à un débat qu’ils sont en mesure de remporter. S’ils s’étaient présentés comme des cinglés écumant et crachant de rage, j’aurais été en mesure de prédire que leur mouvement s’épuiserait à mesure que les psychopathes se feraient exploser eux-mêmes, un par un, ou deviendraient la cible de drones.



    Mais ces hommes parlaient avec une exactitude académique, ce qui m’a placé dans l’état d’esprit d’un séminaire d’études supérieures de bon niveau. J’ai même apprécié leur compagnie, c’est d’ailleurs ce qui m’a le plus effrayé.



    Les non-musulmans ne peuvent pas dire aux musulmans comment ils doivent pratiquer leur religion convenablement. Mais il y a longtemps que les musulmans ont entamé ce débat au sein de leurs propres rangs. “Vous devez avoir des normes,” m’a dit Anjem Choudary. “Quelqu’un peut se prétendre musulman mais s’il croit en l’homosexualité ou qu’il boit de l’alcool, alors il n’est pas musulman. Ce n’est pas comme être végétarien non pratiquant ».



    Il y a, cependant, une autre branche de l’Islam qui offre une alternative à la ligne dure de l’État-islamique – presque aussi intransigeante, mais parvenant à des conclusions opposées.



    Ce volet s’est avéré attrayant pour de nombreux musulmans, maudits ou bénis, ayant le désir psychologique de voir chaque iota des textes sacrés mis en application comme ils l’étaient aux premiers jours de l’Islam.



    Les partisans de l’État islamique savent comment se comporter face à des musulmans qui ignorent les subtilités du Coran : par l’excommunication et la moquerie. Mais ils savent aussi que d’autres musulmans lisent le Coran aussi assidûment qu’eux, ceux-là constituent une réelle menace idéologique à leur encontre.



    Baghdadi est salafiste. Le terme salafiste a été galvaudé, en partie parce que d’authentiques scélérats se sont lancés dans la bataille en brandissant la bannière salafiste. Mais la majorité des salafistes n’est pas djihadiste, et la plupart d’entre eux adhère aux sectes qui rejettent l’État islamique.



    Ils sont, comme le note Haykel, déterminés à élargir la Dar al-Islam, la terre de l’Islam, même, peut-être, avec la mise en œuvre de pratiques monstrueuses telles que l’esclavage et l’amputation, mais pour des temps futurs.



    Leur priorité numéro un est la purification personnelle et de pratique religieuse. Ils estiment que tout ce qui contrecarre ces objectifs – tels que causer la guerre ou de troubles qui perturbent les vies, la prière et l’érudition – est interdit.



    Ils vivent parmi nous



    L’automne dernier, j’ai rencontré Breton Pocius, un imam salafiste de 28 ans qui répond au nom d’Abdullah. Sa mosquée de Philadelphie est située à la frontière entre le quartier de Northern Liberties (où l’on assiste à une montée de la criminalité) et une zone d’embourgeoisement que l’on pourrait qualifier de Dar al-Hipster; sa barbe lui permet de passer presque inaperçu dans ce secteur.



    Une alternative théologique à l’État islamique existe, sans compromis elle non plus, mais qui aboutit à des conclusions opposées.



    Pocius s’est converti il y a 15 ans après avoir reçu une éducation catholique polonaise à Chicago. Comme Cerantonio, il parle comme une vieille âme, doué d’une connaissance profonde des textes anciens. Son engagement pour eux est motivé par la curiosité, l’érudition et la conviction qu’ils représentent le seul moyen d’échapper à l’enfer.



    Quand je l’ai rencontré à un café du coin, il transportait une thèse coranique en arabe et un livre pour apprendre le japonais. Il préparait un sermon sur les obligations de la paternité à destination des quelque 150 fidèles de sa congrégation du vendredi.



    Pocius déclare que son objectif principal est d’encourager une vie halal pour les fidèles de sa mosquée. Mais la montée de l’État islamique l’a forcée à examiner des questions politiques qui sont généralement très éloignées de l’esprit des salafistes.



    “La plupart de ce qu’ils vont dire sur la façon de prier et comment se vêtir est exactement ce que je vais déclarer dans ma masjid [mosquée]. Mais quand ils en arrivent à des questions sur les bouleversements sociaux, ils ressemblent à Che Guevara.“



    Lorsque Baghdadi a présenté l’EI, Pocius a adopté le slogan “Pas mon khalifa.”



    “Les temps du Prophète furent un moment de grande effusion de sang,” m’a t-il dit, “le prophète savait que le pire scénario pour tous était le chaos, en particulier dans l’oumma [communauté musulmane] ».



    Par conséquent Pocius déclare que l’attitude correcte pour les salafistes n’est pas de semer la discorde en divisant et en traitant d’autres musulmans d’“apostats”.



    Au lieu de cela, Pocius – comme la majorité des salafistes – estime que les musulmans devraient se retirer de la politique. Ces salafistes quiétistes, comme on les appelle, sont d’accord avec l’État islamique pour affirmer que la loi de Dieu est la seule loi, ils s’abstiennent de pratiques comme le vote et la création de partis politiques.



    Mais ils interprètent la détestation du Coran pour la discorde et le chaos comme une obligation à ne s’aligner sur aucun dirigeant, surtout ceux qui sont manifestement coupables de pêchés. “Le Prophète a dit: tant que celui qui commande n’entre pas clairement dans la mécréance, offre-lui une obéissance totale,” m’a expliqué Pocius, et les «livres de croyance” classiques mettent tous en garde contre ce qui provoque un bouleversement social.



    Il est strictement interdit aux salafistes quiétistes de créer des discordes entre eux, notamment par l’excommunication de masse. Vivre sans Baya’a [l’acte par lequel le peuple prête serment au maître du moment - NDLR], déclare Pocius, ne rend ni ignorant, ni plongé dans les ténèbres.



    Mais Baya’a ne signifie pas nécessairement prêter allégeance directe à un calife, et certainement pas à Abu Bakr al Baghdadi. Il peut signifier, plus largement, faire allégeance à un contrat social religieux et à un engagement pour une société de musulmans, qu’elle soit gouvernée par un calife ou non.



    Les salafistes quiétistes croient que les musulmans devraient orienter toutes leur énergie dans le but de perfectionner leur vie personnelle, y compris par la prière, le rituel et l’hygiène.



    Un peu à la manière des juifs ultra-orthodoxes lorsqu’ils débattent entre eux, afin de déterminer s’il est casher ou pas d’arracher des morceaux de papier toilette pendant le sabbat (cela compte t-il comme “déchirer un chiffon“?), ils passent énormément de temps à s’assurer que leurs pantalons ne sont pas trop longs, que leurs barbes sont taillées dans certaines zones et hirsutes dans d’autres.



    Grâce à ces observations pointilleuses, ils croient que Dieu les favorisera par la force et le nombre et peut-être qu’un califat verra le jour. A ce moment-là, les musulmans se vengeront et, oui, ils remporteront la victoire glorieuse dans la bataille finale.



    En revanche, Pocius cite un grand nombre de théologiens salafistes modernes qui soutiennent qu’un califat ne peut advenir, en étant dans une juste voie, que par la volonté sans équivoque de Dieu.



    L’État islamique, bien sûr, serait d’accord pour dire que Dieu a oint Baghdadi. La réplique de Pocius équivaut à un appel à l’humilité. Il cite Abdullah Ibn Abbas, l’un des compagnons du Prophète, qui s’est assis avec les dissidents et leur a demandé comment ils osaient, en tant que minorité, dire à la majorité ce qui était mal.



    Constatant lui-même que toute effusion de sang ou que la division de l’oumma ont été interdites. Même la manière dont le califat de Baghdadi a été créé est contraire aux attentes, dit-il. “Le khalifa va être établi par Dieu, il fera consensus entre savants de la Mecque et de Médine. Ce n’est pas ce qui s’est passé. ISIS est sorti de nulle part “.



    L’État islamique déteste ce discours et sur Tweeter ses fans tournent en dérision les salafistes quiétistes. Ils les appellent les “salafistes de la menstruation,” en référence à leurs jugements obscurs sur le moment où les femmes sont pures ou non, ainsi que sur d’autres aspects secondaires de l’existence.



    “Ce qu’il nous faut maintenant, c’est une fatwa pour savoir s’il est haram [interdit] de faire du vélo sur Jupiter,” a sèchement tweeté l’un d’entre eux. “C’est ce sur quoi les chercheurs devraient se concentrer. C’est plus urgent que l’état de la Oummah.” Anjem Choudary, pour sa part, précise qu’aucun pêché ne mérite d’opposition plus vigoureuse que l’usurpation de la loi de Dieu, et que l’extrémisme dans la défense du monothéisme n’est pas un vice.



    Pocius ne bénéficie d’aucun soutien officiel des États-Unis, en tant que contrepoids au djihadisme. En effet, un soutien public tendrait à le discréditer. Ceci étant, il est amer envers l’Amérique qui le traite, d’après ses propres mots, de “citoyen de seconde zone.” (Il prétend que le gouvernement a payé des espions pour infiltrer sa mosquée et a harcelé sa mère sur son lieu de travail afin de savoir si son fils était un potentiel terroriste.)



    Pourtant, son salafisme quiétiste offre un antidote au djihadisme islamique du style Baghdadi. Les personnes qui en arrivent à ce que la foi devienne un combat ne peuvent pas toutes être empêchées de basculer dans le djihadisme. Mais celles dont la motivation principale est de trouver une version ultraconservatrice et sans compromis de l’Islam peuvent y trouver une alternative.



    Il ne s’agit pas d’un islam modéré; la plupart des musulmans le considèreraient même plutôt comme extrémiste. Il représente cependant, une forme de l’islam qu’un esprit intégriste ne trouverait pas instantanément hypocrite ou blasphématoire, expurgé de ses inconvénients. L’hypocrisie n’est pas un péché que l’esprit des jeunes hommes endoctrinés tolèrent bien.



    Les responsables occidentaux feraient probablement mieux de s’abstenir complètement de vouloir peser sur les débats théologiques islamiques. Barack Obama lui-même a dérivé dans les eaux takfiris [fatwa de déchéance du statut de musulman NDLR] quand il a affirmé que l’État islamique n’était «pas islamique» – ironiquement il pourrait être considéré lui-même comme un apostat, en tant que non-musulman et fils de musulman.



    Le takfir pratiqué par des non-musulmans suscite les rires de djihadistes (“Comme un cochon recouvert de fèces donnant à autrui des conseils en matière d’hygiène,” a tweeté l’un d’entre eux).



    Je présume que la majorité des musulmans apprécie la position d’Obama: le président s’est tenu à leurs côtés à la fois contre Baghdadi et contre les chauvins non-musulmans qui tentaient de les relier à des crimes.



    Mais la plupart des musulmans ne sont pas susceptibles de rejoindre le djihad. Ceux qui y sont sensibles seront seulement confirmés dans leurs convictions: les États-Unis s’appuient sur la religion pour servir leurs seuls intérêts.



    Dans les limites étroites de sa théologie, l’État islamique vrombit avec énergie, et même avec créativité. En dehors de ces limites, il pourrait difficilement être plus aride et silencieux: une vision de la vie basée sur l’obéissance, l’ordre et la destinée.



    Musa Cerantonio et Anjem Choudary pourraient mentalement passer de la contemplation de massacres de masse et de la torture éternelle à une discussion sur les vertus du café vietnamien ou celles d’une pâtisserie sirupeuse, avec apparemment autant de délices dans chacune de ces considérations.



    Mais il me semble qu’embrasser leur point de vue serait comme voir toutes les saveurs de ce monde se développer de façon insipide par rapport aux bizarreries saisissantes de l’au-delà.



    Jusqu’à un certain point, je pourrais apprécier leur compagnie, comme un exercice intellectuel coupable. En examinant Mein Kampf en mars 1940, George Orwell a avoué qu’il n’avait «jamais été en mesure de détester Hitler“; même si ses objectifs étaient lâches et répugnants.



    “S’il avait été en train de tuer une souris il aurait su comment la faire ressembler à un dragon.” Les partisans de l’État islamique ont en quelque sorte la même attitude. Ils croient qu’ils sont personnellement impliqués dans les luttes au-delà de leurs propres vies.



    Que le simple fait d’être emportés dans un drame, d’être du côté de la justice, est un privilège et un plaisir, surtout quand c’est également un fardeau.



    Pour Orwell, le fascisme est psychologiquement beaucoup plus attractif que n’importe quelle conception hédoniste de la vie… Alors que le socialisme, et même de manière plus réticente, le capitalisme, annonçaient aux gens “je vous offre du bon temps,” Hitler leur a dit, “je vous offre le combat, le danger et la mort“, et une nation toute entière s’est jetée à ses pieds … Nous ne devons pas sous-estimer son attrait émotionnel.

    Dans le cas de l’État islamique, il s’agit d’une attirance religieuse ou intellectuelle. Que l’EI considère la réalisation imminente de la prophétie comme une question de dogme nous en apprend déjà un peu plus sur le courage de notre adversaire. Même en étant cerné, il sera prêt à célébrer sa propre destruction tout en restant confiant dans ce qu’il recevra le secours divin, s’il reste fidèle au modèle prophétique.

     

    Des outils idéologiques peuvent convaincre certains convertis potentiels que le message du groupe est faux et les solutions militaires peuvent limiter leurs horreurs. Ceci étant, pour une organisation aussi imperméable à la persuasion que l’État islamique, quelques-unes de ces petites mesures peuvent avoir leur importance, la guerre peut être longue, même si elle ne durera pas jusqu’à la fin des temps.


    votre commentaire
  • Un homme juif avait commis l’adultère avec une femme juive mariée.
    Les rabbins se réunirent et dirent :
    - envoyons cet homme et cette femme chez Mohammad, demandons lui comment ils doivent être jugés et laissons-le rendre le jugement . S’il les condamnent à la flagellation, suivie de l’obligation de traverser la ville à dos d’âne, leur visage noirci tourné vers la croupe de l’animal, alors nous saurons que c’est un roi.
    Nous pouvons le suivre . Mais s’il condamne à la lapidation, nous saurons que c’est un prophète.
    Prenons garde, alors, qu’il ne nous dépossède de tout ce que nous avons. Ils allèrent shez le messager de dieu et dirent :
    - O Mohammad, cet homme marié a commis l’adultère avec cette femme mariée. Juge-les. Nous nous en remettons à ton jugement.
    - Le messager de dieu se rendit à la Maison des écoles et demandât qu’on lui lût la Torah.
    Un rabbi lui en fit lecture, mais, cachant de sa main le verset de la lapidation, omit de le citer. Le messager de dieu s’apprêta à partir, puis s’arrêta à la porte de la Maison et dit :
    - Je vous conjure, par dieu qui révélé la Torah à Moïse, dites-moi ce que l’on trouve dans la Torah, lorsque l’adultère est commis entre un homme et une femme mariés.
    Ils dirent :
    - On trouve la flagellation, suivie de l’obligation de traverser la ville à dos d’âne.
    Parmi eux, un jeune homme n’avait rien dit. Le messager de dieu le remarqua et fixa sur lui son regard. Alors le jeune homme dit :
    - Puisque tu nous en conjures par dieu, nous trouvons dans la Torah la lapidation.
    Il désigna de la main le rabbi qui avait fait lecture de la Torah et dit :
    - Cet homme a omis de te lire le verset de la lapidation.
    Le messager de dieu dit à l’assistance :
    - Malheur à vous, comment pouvez-vous ignorer le jugement de dieu, après qu’il vous a été révélé ?
    - Par dieu nous l’avons appliqué jusqu’au jour où l’adultère a été commis par un homme de rang royal et de noble ascendance.
    Du fait de son rang, la lapidation lui fut épargné. Peu après, un autre homme marié commit l’adultère et lorsqu’il fut décidé de lui appliquer la peine de la lapidation, il dit :
    - Non, par dieu, vous devez d’abord l’appliquer à l’homme de rang royal.
    Comme nous ne pouvions faire cela, nous avons décidé de nous suffire depuis lors de la flagellation. Et nous avons laissé la peine de la lapidation tomber dans l’oubli.
    Le messager de dieu dit :
    - Alors je serai le premier à rétablir l’ordre de dieu en son livre.
    Il ordonna que l’homme et la femme fussent lapidés à la porte de la mosquée.
    Ibn Abbâs raconte :
    Le messager de dieu ordonna la lapidation et ils furent lapidés à la porte de la mosquée.
    Lorsque le juif vit tomber les pierres, il se serra contre la femme, la protégeant de ses bras, jusqu’à ce que la mort les prît tous les deux.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique